janvier 2020

À Alice Riva et Daniel Siemaszko qu’on remercie pour avoir fait vibrer ce lieu pendant ces cinq dernières années Au comité du Spoutnik pour leur confiance À nos ami.e.s pour leur soutien

 

Le soleil brille et il pleut des victimes. Le soleil brille et les bombes explosent. Le soleil brille et l’on abuse du désarroi, de la stupéfaction, de la torpeur vacancière pour imposer son nouvel ordre libéral, pour bafouer les classes populaires, pour nettoyer les rues capitales des campements qui font tache. Faire le ménage. Démontrer la force. Rassurer. Déblayer. Ordonnances et arrêtés. Menottes et matraques. Taser et Choukas. La gerbe.

 

Ces mots sont tirés du flux de paroles qui traversent Ne croyez surtout pas que je hurle. Ce flux, c’est un cri d’impuissance face à la société que le cinéaste, Frank Beauvais, partage en le confrontant à un infini d’images trouvées dans les limbes de l’Histoire du cinéma. Cloîtré six mois dans sa maison alsacienne à la suite d’une séparation, Beauvais expose les conditions d’un obstacle. Écueil face auquel, Robert Kramer, quarante plus tôt, se positionnait ainsi: Nous perdions de vue le moindre effet que nos luttes avaient eu pendant des années. Le cynisme dévorait notre sens de nous-mêmes. L’ironie à l’égard des limites de notre force face à tant de pouvoir. Le plus souvent nous nous moquions les uns les autres de nos histoires politiques, nous prenions à la légère les sacrifices que nous et d’autres avaient faits, nous négligions l’amour et l’honnêteté des camarades — et il y avait beaucoup de bavardages sur “ trouver quelque chose de plus utile et de plus intéressant à faire de ma vie…"

 

Ces paroles racontent la difficulté de la genèse de Milestones (1975), coréalisé avec John Douglas. Film-fleuve exposant la situation militante aux États-Unis dans la séquence post Vietnam, il s’agissait pour ces deux cinéastes d’interroger l’après-coup, lorsque les corps auraient été traversés par des années de lutte. Alors, à la lecture de ces deux films, advient cette question: Comment un cinéma politique pourrait être aussi un art du désespoir ? À y observer les inquiétudes, les limites de l’engagement, les contradictions, les confusions. À y scruter comment les structures de pouvoir, les états de crises et de guerres permanents pénètrent dans l’intimité même de nos corps, de nos esprits et de nos sensations. À y décrire ce qui nous isole, ce qui sépare les corps et les voix, ce qui nous immobilise. Dans ce désespoir s’entrevoit pourtant une puissance de résistance. La dizaine de protagonistes peuplant Milestones fait communauté, du moins le temps du film. Les centaines d’images accolées de Ne croyez surtout pas que je hurle font communauté. La jeunesse jamaïcaine immigrée en Angleterre de Babylon (Franco Rosso, 1980) déploie l’énergie féroce de leurs sound-system face au pouvoir thatchérien. Aussi étirés soient-ils par les difficultés de la vie, les personnages de Contre ton coeur (2017) de Teresa Villaverde s’évertuent à trouver des camarades de route.

 

Si le chemin vers une re-mobilisation apparaît comme une issue offerte par les moyens du cinéma, il en va de même pour la poésie qui surgit ponctuellement dans chacun de ces films, à l’image de cette rencontre avec un essaim de papillon décrite par Frank Beauvais comme le rappel de la possibilité d’une beauté gratuite et non corrompue. Un hommage à un instant capté mais non fixé, particulièrement familier de la quête de Sandra Davis, réalisatrice expérimentale, dont les courts-métrages - petits poèmes visuels d’été - seront ponctués un soir au Spoutnik par les exercices de voix et de gestes de Maya Corboud et Emmanuelle Bonnet.

 

Enfin, près des corps et des coeurs.

 

Tom & Nathan



Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais

Sortie


Les films, bien-sûr: exutoire, échappée, surface de réparation. Pellicule analgésique, dérivative, expiatoire, réconciliatrice. Les films pansements, répits, hospices, cliniques, maison de tolérance, de charité, de retraite ; Les films thaumaturges, oasis, sémaphores. Les films reflets, constats, claques, électrochocs, courroie de transmission, étançons, armures, courses contre la montre, la folie, l’oubli.

Soundsystems: Babylon de Franco Rosso – NS KROO meets Watta Bongo

Spoutnik - Makhno


1980, dans un sud de Londres en partie occupé par le National Front, Blue (interprété par le musicien Brinsley Forde) poursuit sa carrière de DJ. Au-delà de la rivalité qui s’exerce entre les différents groupes de sound systems, Babylon dépeint la violence raciste des années thatchériennes. De la police au patronat, en passant par le voisinage, c’est avant tout l’Angleterre blanche qui s’abat sur Blue et sa bande. Reste alors seul, le reggae comme chant de résistance. Travelling trans-usine! À la suite de la projection, la soirée se poursuivra à la Makhno, pour un set de NS KROO, collectif héritier de la culture dub et autres.

Contre ton coeur de Teresa Villaverde

Sortie


Depuis les années 90, Teresa Villaverde poursuit son exploration des sans-voix de l’Europe, adolescents en rupture, prolétaires, candidat.e.s à la migration.

Festival Black Movie – samedi 18


CHEMIN DE CROIX - DOCUMENTAIRE SURREALISTE - PARABOLE INDIENNE - DOCUMENTAIRE DANTESQUE - PORTRAIT D'UN CULTURISTE - PETIT BLACK MOVIE POUR ADULTES