mars 2022





Los Conductos de Camilo Restrepo

Sortie


Ces quelques lignes, formulées par Camilo Restrepo, concluent un entretien au sujet de son film Los Conductos. Ainsi, à rebours des séries télévisées et des fictions dominantes, Camilo Restrepo creuse une autre voie pour raconter la violence dans la société colombienne. A l’écoute de la vie de Pinky, dissident d’une secte religieuse de Medellin, Camilo choisit d'éplucher son récit. Première couche ou la rue par le ras: la volonté de décrire précisément les conditions matérielles de cette vie en clandestinité. Dès lors que le fil de cuivre, le tunnel, l'abri, la moto, le pistolet sont les moyens de survie de Pinky, le film ne s’attache à rien d’autre que cette matière. Deuxième couche ou à chaque trou son ellipse: la furtivité imposée à Pinky dicte la temporalité du film. À savoir que Pinky est souvent planqué et que l’on ne voit ici que des fragments et pas plus. Même, ces bouts de vie n’hésitent pas à se répéter. Temps circulaire à l’image d’une violence qui ne s’arrête pas. Troisième couche ou le conte diabolique: le recours à la voix-off permet d'accéder aux pensées de Pinky. Désireux de vengeance à l’égard de son gourou comme de la société toute entière, Pinky éprouve ses questionnements du point de vue du mal, aux côtés des damnés, là où la frontière entre justice et injustice s’efface.

Courts-métrages de Camilo Restrepo

Fenêtre sur Camilo Restrepo


TROPIC POCKET, Camilo Restrepo, Colombie, 2011, 9’, Vo, sous-titré français La région colombienne du Chocó est une zone isolée entre mer et forêt où missions religieuses, opérations militaires, projets touristiques et trafics en tout genre se croisent, s’ignorent et se succèdent. Sans volonté de jugement ni souci de narration, Tropic Pocket subtilise des images qui … Continued

Toute une nuit sans savoir de Payal Kapadia

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Toute une nuit sans savoir s’ouvre sur une fête, durant laquelle de jeunes adultes dansent devant un écran sur lequel est projeté un film. En off, une lettre d’amour est lue. L. s’adresse à K. L. ne sait pas si elle souhaite se joindre à la fête car K. est absent. Le film se termine par une assemblée politique s’improvisant en danse, peut-être avec les mêmes corps. En off, la voix d’un professeur de cinéma encourage ses étudiant.e.s à tenir compte de la lutte qu’ils et elles viennent de traverser. Ainsi, deux danses entre lesquelles se dessine le mouvement du film: de l’intime au collectif, de l’amour à la révolte, du cinéma au politique.

Sous le ciel de Koutaïssi de Aleksandre Koberidze

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« Film d’amour fantastique et mosaïque urbaine, Sous le ciel de Koutaïssi commence par jeter un sort à ses personnages principaux, deux amoureux condamnés à ne pas se reconnaître, et se termine, après bien des détours, en rompant cette malédiction par les mêmes moyens exactement : les moyens du cinéma. En dire plus serait trop en dire.

Machorka-Muff + Non réconciliés ou seule la violence aide où la violence règne de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub

Huillet et Straub antifas


Cette vieille dame est aussi le seul personnage qui ait l’intuition de la vérité que découvre (après avoir fait l’expérience de vertus plus traditionnellement chrétiennes) un personnage de Bertolt Brecht qui s’appelle Sainte Jeanne des Abattoirs: «Seule la violence aide où la violence règne »; c’est le second titre de notre film, et il ne s’agit pas seulement du coup de pistolet qui le conclut, mais de la violence d’une grève générale par exemple (absente du film comme de l’histoire allemande) qui en 1933 aurait pu empêcher le nazisme et sa conséquence, la Deuxième Guerre mondiale.»

Evening Land de Peter Watkins

EN ÉCHOS AUX EVENEMENTS EN UKRAINE


La bataille discursive menée par les mass-médias à propos de l’invasion meurtrière de l’Ukraine mobilise à tel point notre pensée qu’on en vient à oublier les coulisses d’où a surgi cette catastrophe. Force est de constater que le monde se militarise en même temps que les gouvernants ne cessent de promouvoir l’« innovation », signifiant en creux à l’agenda sans fin annoncée ni contestation possible. Sous couvert de « création d’emplois », la mainmise salariale peut restaurer sa légitimé vacillante face au spectre guerrier d’un ennemi tantôt invisible (terrorisme), tantôt ouvertement menaçant (puissance impériale rivale). Comment articuler le refus du travail avec le refus de la guerre ? Evening land, film qui date de 1976, examine cette question dans un portrait anticipatoire de notre époque. Epoque où les travailleurs et travailleuses ne se reconnaissent plus en tant que classe mais éprouvent un sentiment de colère diffus, issu d’une expérience salariale malléable à merci et tenu.e.s au contact d’infrastructures essentielles dont le blocage peut à tout moment saboter l’ordre établi. Par son style immédiat et musical, Peter Watkins donne vie à un tel sabotage au travers d’une politique-fiction (comme on parlerait de « science-fiction ») prémonitoire, questionnant avec beaucoup de finesse le rôle des médias dans la composition des luttes.