Evening Land de Peter Watkins


sam. 5 mars 2022   17h00
Cycle

EN ÉCHOS AUX EVENEMENTS EN UKRAINE

EVENING LAND, Peter Watkins, Danemark, 105′,vo st français, entrée libre

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À Copenhague, quatre sous-marins nucléaires sont en passe d’être construits. Une entreprise danoise a remporté un appel d’offre de l’État français. La situation conduit les ouvrier.es en lutte du chantier naval à intensifier leur grève. Ils et elles s’opposent tant au gel de leurs salaires, imposé par le contrat, qu’à une participation par leur main-d’œuvre à l’armement atomique. Leur révolte aboutit au kidnapping d’un ministre danois, suivi d’une vague de répression policière.

« Est-ce un crime que de prédire l’avenir ? »
Evening land

La bataille discursive menée par les mass-médias à propos de l’invasion meurtrière de l’Ukraine mobilise à tel point notre pensée qu’on en vient à oublier les coulisses d’où a surgi cette catastrophe. Force est de constater que le monde se militarise en même temps que les gouvernants ne cessent de promouvoir l’« innovation », signifiant en creux à l’agenda sans fin annoncée ni contestation possible. Sous couvert de « création d’emplois », la mainmise salariale peut restaurer sa légitimé vacillante face au spectre guerrier d’un ennemi tantôt invisible (terrorisme), tantôt ouvertement menaçant (puissance impériale rivale). Comment articuler le refus du travail avec le refus de la guerre ?

Evening land, film qui date de 1976, examine cette question dans un portrait anticipatoire de notre époque. Epoque où les travailleurs et travailleuses ne se reconnaissent plus en tant que classe mais éprouvent un sentiment de colère diffus, issu d’une expérience salariale malléable à merci et tenu.e.s au contact d’infrastructures essentielles dont le blocage peut à tout moment saboter l’ordre établi. Par son style immédiat et musical, Peter Watkins donne vie à un tel sabotage au travers d’une politique-fiction (comme on parlerait de « science-fiction ») prémonitoire, questionnant avec beaucoup de finesse le rôle des médias dans la composition des luttes.

« – On nous demande : « vous voulez que l’écran soit noir ce soir ? » Je ne suis pas pour l’écran noir. Les gens doivent savoir ce qui se passe un peu partout. – Oui, les gens doivent savoir. Mais de la façon dont la télé a présenté les événements, les gens savent-ils ce qui se passe ? »

Confronté dès 1966 à la censure dans tous les pays du monde de son film réalisé pour la BBC, « The War game » (une simulation d’attaque atomique sur la Grande-Bretagne), Watkins reprend ce thème au moment de filmer Evening land. Ici, le désir du cinéaste est moins de confronter notre conscience à ce qui nous pend au nez dans les guerres à venir que d’exprimer un refus radical de leur possibilité matérielle. Le slogan « pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes » y est incarné le plus explicitement possible, puis dépassé par la spontanéité d’une praxis dont la caméra se fait le relai.

La projection sera précédée par une présentation du film et de son contexte théorique et pourra être suivie d’une discussion en lien avec les manifestations pour la paix qui ont récemment éclaté en Europe.

Nous tenons à remercier Peter Watkins d’avoir accepté la projection de ce film, proposée en réaction à la situation actuelle.