L’ENFER


mar. 24 oct. 2023   20h30
Cycle

« Zone grise de l’original (des bifaces aux NFT) »

mar. 24 oct. 2023, projection 16mm et 35mm organisé par Pierre Leguillon (HEAD-Genève) et Jonathan Pouthier


Cette projection est organisée dans le cadre de « Zone grise de l’original (des bifaces aux NFT) », projet de recherche dirigé par Pierre Leguillon (HEAD – Genève, HES-SO), 2022–2024. Ce projet a bénéficié du soutien de l’Institut de recherche en art et design de la HEAD – Genève et du Fonds stratégique de la HES-SO.

1 bobine, 35mm, non daté, laboratoire Eclair, noir et blanc, silencieux, 2min.
1 bobine, 16mm, non daté, laboratoire Tirage 16, noir et blanc, sonore, 2min.
3 bobines, 16mm, non daté couleur et noir et blanc, sonore et silencieux, 4min.
1 bobine, super 16mm, 2015, noir et blanc, son optique, 24ips, copie 1, 23min.
1 bobine, 16mm, couleur, silencieux, copie 6/20, 115m, 9min.
1 bobine, 16mm, 2006, couleur, silencieux, copie 4, 6min 30s.
1 boucle, 16mm, 2014, transparent, silencieux, copie unique, 7min.

Dans la vulgate des archivistes du film l’endroit où se retrouve ce qui ne peut plus être présenté est nommé l’enfer. Le terme est emprunté à ces parts maudites des bibliothèques où étaient conservés les ouvrages condamnés à l’oubli pour des raisons morales et idéologiques dans le but que ces derniers ne viennent pas contaminer l’ensemble. La collection des films du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou – possède sa propre zone grise où se sont accumulées, au fil du temps et des activités de l’institution, des copies fragiles, abimées, malades, incomplètes, sans droit, ou encore non attribuées. Ce que l’on y trouve a perdu, définitivement ou temporairement, sa valeur, son utilité, mais également son statut d’œuvre. Après des années d’accumulation, et cela sans aucune forme d’organisation logique, les étagères des réserves sont devenues le lieu de sédimentation d’une collection d’œuvres qui n’en sont plus. C’est depuis cet espace interstitiel, cet entre-deux d’une collection, qu’il devient possible d’écrire une histoire critique du cinéma au musée ; en piégeant « notre propre culture avec ses interstices, ses déviances, ses phénomènes mineurs, ses petits couacs, ses fausses notes. » pour citer Michael Foucault. L’un des points communs entre ces films dépréciés est d’avoir été projetés. C’est parce qu’elles sont accidentées par leurs présentations répétées que ces copies ne sont plus projetables. Comme un impensé de la programmation, la projection condamne le film à sa disparition. Qu’advient-il de cette destruction lorsque l’on évoque ces films conservés dans l’enfer ? Peut-on détruire un film deux fois ? Que resterait-il à voir ? Sur le plan éthique, il est problématique de présenter une œuvre dans un mauvais état, sauf à considérer (et énoncer) que ce que l’on projette est autre chose. Les copies de l’enfer sont destinées à exister privées des films qu’elles transportent, et les présenter revient à manipuler des traces de leurs expositions passées. En partant du postulat qu’il n’y a plus rien à voir, envisager une programmation autour de l’enfer c’est éprouver l’écriture d’une séance dans laquelle plus rien n’est œuvre et où tout fait œuvre. (Jonathan Pouthier)