FILMS DU GROUPE CINÉMATOGRAPHIQUE DES PATIENTS DE CERY (1964-1981)


mer. 1 nov. 2023   20h30
Cycle

RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S), CHAPITRE 6

mer. 1 nov. 2023, en présence de Elodie Murtas, autrice d’une thèse sur le sujet: L’hôpital psychiatrique fait son cinéma : Le « cas » Cery


À QUELLE HEURE PASSE LE TRAIN?

FILMS DU GROUPE CINÉMATOGRAPHIQUE DES PATIENTS DE CERY (1964-1981)

En novembre, on rebranche le cycle cinéma(s) et psychiatrie(s). Sixième chapitre, rendu possible par la complicité de l’ami de Vincent De Roguin, qui nous a mis sur le chemin de ces films. Des choses, dont on n’avait jamais jamais jamais entendu parler. Des choses presque jamais montrées dans notre région alors qu’il s’agit de plus d’une dizaine de films fabriqués tout près, à Lausanne, dans l’hôpital psychiatrique de Cery. Les auteurs et autrices de ces films, ce sont certains patients de l’hôpital, qui se sont réunis en collectif (Groupe cinématographique des patients de Cery). Cette tentative a été menée entre 1959 et 1981, sous l’impulsion notamment du cinéaste vaudois Nag Ansorge, qui a accompagné ce processus de création. Ces films, ce sont des cadeaux, qui nous laissent avec cette merveilleuse sensation: que ce monde, notre monde, est infiniment plus grand, peuplé et riche que ce que la société nous fait voir.

ME 1 NOVEMBRE, 20h30

en présence de Elodie Murtas, autrice d’une thèse sur le sujet: L’hôpital psychiatrique fait son cinéma : Le « cas » Cery

BONJOUR MON ŒIL, Groupe cinématographique des patients de Cery, 1964

Le second film du groupe est un exemple de création collective. En effet, les patients qui débuteront Bonjour mon œil ne seront pas ceux qui le termineront. Au total, vingt-six patients se succéderont pour le réaliser. Le film, d’une durée d’environ quinze minutes, a été réalisé du mois de mai 1963 au mois d’octobre 1964. Celui-ci a nécessité 197 heures de travail. Pour la première fois, une comédienne, Thérèse Loup, a été engagée pour jouer le rôle principal. Les droits de diffusion de Bonjour mon œil seront achetés par la firme pharmaceutique Hoffmann-La Roche. Une version anglaise sera aussi effectuée. Le film est majoritairement tourné en prises de vues réelles, mais des passages sont construits en animation. Deux techniques sont utilisées : l’animation d’objets et de papiers découpés. Le scénario s’est élaboré petit à petit pour se cristalliser autour de l’idée de montrer une journée dans l’hôpital psychiatrique, vue de l’intérieur. Les patients, qui avaient tous vécu un épisode délirant, ont choisi de représenter des hallucinations.

IL GENIO, Groupe cinématographique des patients de Cery, 1967

Réalisée en parallèle au film Les 7 nuits de Sibérie (1967), soit pendant la période allant du 8 février 1965 au 8 avril 1967, cette réalisation apparaît comme un cas à part dans la filmographie du groupe cinématographique de l’Hôpital psychiatrique de Cery. En effet, ce film à tendance documentaire est en fait le portrait d’un des membres du groupe. Celui-ci, défini comme un artiste aux multiples facettes atteint d’un délire mégalomaniaque, a demandé aux autres membres du groupe de l’aider à réaliser ce film, dont il a écrit le scénario, la musique et supervisé le tournage. Tournée entièrement en prises de vues réelles dans un format 16 mm, cette réalisation dure environ vingt-deux minutes. Une danseuse et une patineuse artistique professionnelles ont accepté de participer au tournage.

LE BALLET DE LA CRÉATION, Groupe cinématographique des patients de Cery, 1972

Ce « dessin animé » de seize minutes a été réalisé entre le 19 décembre 1970 et le 29 avril 1972. La technique d’animation de papiers découpés a été choisie pour la totalité du film. Contrairement aux autres réalisations du groupe, Le ballet de la création s’est élaboré autour d’un ensemble de vingt-trois dessins qu’un patient avait apportés à l’atelier cinéma. Le commentaire du film a été écrit par un autre membre du groupe, sous la forme d’un texte intitulé La création du monde. Tous les patients, néanmoins, participeront à la réalisation du film. En plus de la version initiale en français, une version allemande a été réalisée. Le vaste sujet abordé par ce film est, comme le texte de base l’indique, la création du monde.

L’AUTRE, Groupe cinématographique des patients de Cery, 1975

Témoignant d’une nouvelle méthode de travail tentée au sein du groupe, L’autre — aussi intitulé parfois Alter ego — a été tourné entre le 6 mai et le 30 juin 1975. Pour ce film, les patients se sont rencontrés tous les jours et non une matinée de trois heures par semaine comme pour les autres réalisations. Vingt-neuf journées auront été nécessaires à sa réalisation se répartissant ainsi : six jours pour l’écriture du scénario, douze jours pour le tournage et onze jours pour le montage et la sonorisation. Au total, onze patients ont participé à ce film de seize minutes tourné uniquement en prises de vues réelles. Le film met en scène un homme à la recherche de la femme de ses rêves, se laissant ainsi guider par ses délires imaginaires.

LE BAL DE LA PASSION HUMAINE, Groupe cinématographique des patients de Cery, 1977

Le bal de la passion humaine a été réalisé du 2 novembre au 21 décembre 1976 et a nécessité environ 104 heures de travail. Réalisé par un groupe de neuf patients, ce film d’une durée d’environ vingt-deux minutes est entièrement tourné en prises de vues réelles et en couleurs. Le commentaire et les dialogues du film sont en italien sous-titré en français. Flirtant avec la notion de documentaire, l’histoire est celle d’un homme racontant ses difficultés relationnelles avec une autre patiente de l’Hôpital se trouvant dans une unité différente de la sienne.

MÉLODIE DE L’INCONSCIENT, Groupe cinématographique des patients de Cery, 1981

Dernier film du groupe cinématographique de Cery, Mélodie de l’inconscient a été réalisé, du 3 novembre 1980 au 19 février 1981, collectivement par onze patients réguliers et six patients occasionnels – c’est-à-dire ayant participé à moins de cinq séances. Les patients se sont réunis à raison de trois matinées par semaine, soit au total quarante-deux fois pour l’ensemble du film. D’une durée d’environ douze minutes, le film est tourné en couleur et, comme les autres réalisations de Cery, en 16 mm. L’illustration sonore a été créée par le groupe de musicothérapie dirigé par Madeleine Müller. Mélodie de l’inconscient est entièrement créé en animation et plusieurs techniques ont été utilisées : celle des papiers découpés, mais surtout, pour la première fois dans un film du groupe de Cery, l’animation de personnages en pâte à modeler. Le film ne s’appuie pas véritablement sur un scénario, mais plutôt sur des idées s’articulant autour du thème de l’attente. Le sujet reste donc évasif et peu descriptible, mais un texte mis en exergue au générique l’explicite : « Quand une attente, meublée de rêves et de fantasmes, mène finalement vers la rencontre entre deux personnes…»





À QUELLE HEURE PASSE LE TRAIN? RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S)

« Il s’agissait avant tout d’être solidaire de gamins afin qu’ils échappent au sort que la société leur réservait ». C’est ainsi que Jacques Lin caractérise l’expérience de la prise en charge d’enfants autistes, jugés irrécupérables, menée à partir de 1968 dans une ferme située dans les Cévennes avec Fernand Deligny et d’autres « présences proches ». Cette solidarité dont parle Jacques Lin, s’est tissée à partir de différentes activités conduites collectivement: cuisine, élevage, maraîchage, promenades, dessins. Et au milieu de ces gestes coutumiers, le cinéma s’est parfois trouvé une place. C’est à travers les films qui découlent de cette tentative – Le moindre geste, Projet N – que l’on s’est rendu compte que psychiatrie et cinéma avaient probablement à faire ensemble. Cela nous a donné le désir de chercher. Non pas des films sur la folie, ou sur les fous (Hollywood ou Netflic encore, excellent dans le domaine), mais où le cinéma (voir et entendre) est le lieu d’un travail en commun et un point de rencontres possibles. Dès lors, on tâchera d’ouvrir quelques fenêtres chaque mois au sujet de ces questions. Avec aussi l’envie que ces séances s’enrichissent d’interventions, de discussions et de débats.

Tom & Nathan