À QUELLE HEURE PASSE LE TRAIN? RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S)

« Il s’agissait avant tout d’être solidaire de gamins afin qu’ils échappent au sort que la société leur réservait ». C’est ainsi que Jacques Lin caractérise l’expérience de la prise en charge d’enfants autistes, jugés irrécupérables, menée à partir de 1968 dans une ferme située dans les Cévennes avec Fernand Deligny et d’autres « présences proches ». Cette solidarité dont parle Jacques Lin, s’est tissée à partir de différentes activités conduites collectivement: cuisine, élevage, maraîchage, promenades, dessins. Et au milieu de ces gestes coutumiers, le cinéma s’est parfois trouvé une place. C’est à travers les films qui découlent de cette tentative – Le moindre geste, Projet N – que l’on s’est rendu compte que psychiatrie et cinéma avaient probablement à faire ensemble. Cela nous a donné le désir de chercher. Non pas des films sur la folie, ou sur les fous (Hollywood ou Netflic encore, excellent dans le domaine), mais où le cinéma (voir et entendre) est le lieu d’un travail en commun et un point de rencontres possibles. Dès lors, on tâchera d’ouvrir quelques fenêtres chaque mois au sujet de ces questions. Avec aussi l’envie que ces séances s’enrichissent d’interventions, de discussions et de débats.

Tom & Nathan




DREYER POUR MÉMOIRE – EXERCICE DOCUMENTAIRE + NAGER ; COMME SI C’ÉTAIT HIER + ISABELLE OGILVIE IN MEMORIAM

RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S) - Olivier Derousseau, Isabelle Ogilvie et Anne-Marie Faux


Au départ de tout cela, il y a une immense colère adressée à l’endroit de cette France: ses surveillants, politiciens, bureaucrates, supermarchés, protocoles, mesures, réformes qui continuent encore d’aliéner le pays. Alors, toujours cette même question: comment résiste-t-on? Après avoir gueulé, essayons de se réunir avec celles et ceux qu’on ne veut pas réunir et qu’on préfère exclure. Lorsqu’on s’est entretenu avec Olivier pour préparer sa venue, il a décrit ainsi sa démarche: « C’est quoi les conditions matérielles d’élaboration d’une rencontre? Que ça ne soit pas seulement la case du programme de réinsertion mais que ça puisse effectivement transformer quelque chose en mettant un outil (le cinéma par exemple) au milieu. Et c’est précisément ça dont on est empêché très souvent et c’est ça qu’il faut construire ». En effet, dans chacun de ses films, des exercices se font, se vivent, s’éprouvent sous nos yeux, pour fabriquer un “nous”. Mais il n’y a, ici, nulle tricherie, car on voit d’abord ce qui est empêché, la communion n’est pas donnée d’emblée et sera possible qu’à certaines conditions que les films se donnent les moyens de créer. Et à nous, spectateur.ice.s et témoins, nous est donc confiée la responsabilité morale de reconnaître que la rencontre fut possible, sera dès lors encore possible et qu’il y a nécessité qu’elle reste toujours possible. C’est habité, affecté, touché par cette transmission que l’on souhaite passer ces films plus loin.

ACCOSTER + DE NOS PROPRES MAINS

RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S) - Olivier Derousseau


Un départ, la fin de quelque chose. Nous devions quitter une maison promise à la démolition. Cette maison, lilloise – de bois recouverts d’une peau de briques, autrefois habitée par des bourgeois en villégiature, fut un refuge pour des gens qu’on ne tarda pas, à l’aube du XXIème siècle, à qualifier « de précaires ». Ses murs et fenêtres furent témoins d’événements heureux, de déchirures, d’arrivées impromptues, de décisions sans retour, de sommeils et de veilles indécentes, de préparations laborieuses. Je me suis mis à photographier cette maison alors qu’il fallait en partir. Il s’avère qu’à ce moment-là, la pensée et le travail de Fernand Deligny occupaient une place quotidienne. Ces phrases notamment : » Nous sommes hantés par un peuple d’images, si vous entendez hanter comme quelqu’un d’antan l’aurait entendu, c’est-à-dire habités tout simplement. Mais aussi : « le cinéma, un toit pour les images qui n’ont plus de maisons ». Un livre de Jacques Rancière aussi : « Courts voyages au pays du peuple ». Il fallait quitter une demeure à demeurés et envisager un accostage.

À PEINE OMBRE de Nazim Djemaï

CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S) # 2: FENÊTRE SUR LA BORDE


Qu’est-que c’est que ce monde de fous ? Ce film montre l’institution particulière qu’est la Clinique psychiatrique de La Borde, berceau de la psychothérapie institutionnelle fondé par le Docteur Oury en 1953. Le château est le lieu central où tout a commencé et où le Docteur Oury a installé ses premiers patients. Aujourd’hui il y a quatre secteurs d’hospitalisation qui accueillent cent sept personnes et trente en hôpital de jour. Bien que le prix de la journée d’hospitalisation soit inférieur à celui des établissements de même type, cette institution, par sa singularité, reste fragile.

Le film sera constitué d’un chapelet d’entretiens où chacun décide du lieu où il souhaiterait être filmé, choix parfois insolite du personnage. C’est grâce à cette proposition que nous appréhenderons la topographie du paysage labordien et ce sur une étendue de 40 hectares de bois et d’étangs, où chacun circule librement dans ses différents espaces. La Borde et ses entours, les écuries, le poulailler, le jardin potager, la serre etc. sont rythmés par le défilement des saisons.