Juin 2023





COCONUT HEAD GENERATION de Alain Kassanda


Depuis qu’on travaille au Spoutnik, il nous arrive régulièrement de douter quant à la possibilité de faire rencontrer le cinéma et l’action militante, politique, qu’il puisse exister des discussions fertiles entre les deux et que l’un entraîne l’autre et réciproquement. On a essayé, on a souvent échoué mais on essaie encore. Il y en a d’autres qui ont essayé. C’est notamment le cas au Sud-Ouest du Nigeria, dans l’Université d’Ibadan, qui, en marge de l’institution, abrite tous les jeudis soirs un ciné-club. Le cinéaste Alain Kassanda est venu poser sa caméra là au milieu et a fabriqué ce film, COCONUT HEAD GENERATION. Dans le cadre de ces projections, on ne se contente pas de regarder les films. On vient aussi pour débattre: intersectionnalité, décolonisation, luttes féministes, luttes LGBT, minorités ethniques du pays, droits des étudiants ou élections. C’est que ce n’est pas n’importe quel cinéma qui regarde ces étudiant.e.x.s. Ce sont par exemple les films de Med Hondo, John Akomfrah, Charles Burnett, ces films qui, d’autant plus quand tu es concerné.e.x., te laissent dans un état brûlant. Il y a urgence à en discuter, à prendre responsabilité devant les images, puis à traduire cela en actes afin que toutes les formes d’oppression soient combattues. En dehors de la salle de cinéma, un mouvement s’organise contre la brutalité policière, incarnée par cette unité, la SARS (Special Anti-Robbery Squad), qui tue chaque année. On passe ainsi du film à la manif, de la manif au débat et du débat au film. Ces passerelles-là existent donc, semblent même nécessaires. On souhaite alors qu’elles arrivent jusqu’à nous. Tom et Nathan

LE GRAND ORDINAIRE de Mathieu Kiefer

RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S): CHAPITRE 5


Le Grand Ordinaire invente un rapport au temps et aux distances pour partager une réalité. Mathieu Kiefer a fait un film. C’est l’œuvre d’une vie, de sa vie avec un trouble obsessionnel compulsif, un Toc. Faire un film, c’est chercher des bords, trouver un cadre pour faire dialoguer plusieurs voix : médicales, affectives, politiques, imaginaires… Un film documentaire qui est aussi une fiction, qui raconte une histoire, en donnant des noms aux choses. Mathieu Kiefer défie le réel, le provoque pour mieux s’y confronter. Cogne les bords, se tape la tête. Le film dialogue avec lui-même, avec ce qui le constitue, une forme se cherche, faite de liens et d’aller-retour pour essayer de comprendre ce qui se vit dans une vie avec un Toc. Les rituels. Les répétitions. Les phrases qui tournent en boucle. Jusqu’à n’en plus pouvoir. Mathieu a mis du temps à faire ce film – des années, il lui a fallu sortir de son histoire pour aller à la rencontre des autres et saisir l’occasion de laisser une trace, ce film qu’il aurait aimé avoir vu. Témoignage et partage. On part à la recherche des éléments qui nous permettent d’appréhender sa réalité : des personnages-clé, des lieux d’ancrage, une biographie. Il a fallu du temps, mais aussi des gens. Le cinéma est un temps donné à l’élaboration collective, on sait ici que cette histoire singulière a pu se raconter une fois que des camarades ont pu l’entendre, l’accueillir même. Il nous racontera comment les-autres est une formidable ressource. Pour faire un film autant que pour la santé mentale.

CES RENCONTRES AVEC EUX de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet

L'internationale Huillet et Straub


À partir des Dialogues avec Leuco, une œuvre de l'écrivain italien Cesare Pavese, dix personnes parlent de thèmes fondamentaux comme la douleur, la mort ou le destin. Vingt-sept ans après De la nuée à la résistance, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet reviennent au texte de l’écrivain piémontais Cesare Pavese Dialogues avec Leucò et mettent en scène cinq d’entre eux autour de la relation unissant les mortels et les Dieux. Exclusivement interprétés par des acteurs non professionnels, paysans pour la plupart, qui se sont imprégnés du texte pendant plus d’une année, le film, d’abord joué au théâtre de Buti, est tourné au cœur des bois.

LA PREMIÈRE MARCHE, Hakim Atoui, Baptiste Etchegaray

PROJECTIONS DE SOUTIEN AU CRAQ


Le 9 juin 2019, quatre étudiants mènent à Saint-Denis la première Marche des fiertés en banlieue. 50 ans après Stonewall, ils imposent le combat LGBT là où personne n’avait voulu l’imaginer. Une immersion trépidante parmi les organisateurs de la pride, banlieusards et fiers. Les enjeux d’intersectionnalité et d’inclusivité des luttes sont clairement posés.

ET TA SOEUR ? de Nicolas Barachin et Sylvie Leroy

PROJECTIONS DE SOUTIEN AU CRAQ


60 minutes consacrées à l’Ordre des Soeurs de la Perpétuelle Indulgence, leurs actions, leurs engagements, leurs combats : la justice sociale, la lutte contre l’homophobie, le sida par la prévention, l’aide aux malades, l’information et le refus de la honte. Le film répond aux questions suivantes : «qui sont les soeurs, quelles sont leurs actions de prévention et d’information ? Quels sont leurs combats, pourquoi et comment devient-on Soeur de la Perpétuelle Indulgence ?.

MACHINES IN FLAMES d’Andrew Culp et Thomas Dekeyser

CRITIQUE NUMÉRIQUE


« Machines in Flames (2022, 50 minutes) a d’abord circulé par le biais de diverses clés USB à effacement automatique lâchées à l’extérieur des campus d’entreprises. Cela a suscité des courriels d’avertissement de la part de ces entreprises de la tech qui craignaient la diffusion d’une histoire secrète d’autodestruction de l’informatique. Elles ont cherché à effacer toute recherche cinématographique d’un groupe insaisissable – CLODO – qui a fait exploser des entreprises informatiques dans les années 1980 à Toulouse, en France. En parcourant les nœuds cybernétiques du développement militaire, industriel et socialiste, Machines in Flames montre comment les dispositifs d’enregistrement ne parviennent pas à enfermer les cendres de l’histoire. On ne sait pas exactement ce qui a le plus inquiété les entreprises de sécurité : les traces d’archives enflammées du film, sa chorégraphie virale sur ordinateur, les séquences paranoïaques des surveillances nocturnes, ou son enquête philosophique sur l’auto-combustion ? Machines in Flames est le premier film de l’Internationale Destructionniste, et le premier d’une série sur l’appétit d’abolition d l’ultra-gauchisme. »

NI LES FEMMES NI LA TERRE de Marine Allard, Lucie Assemat, Coline Dhaussy

SOUTIEN AUX VICTIMES DE VIOLENCES POLICIÈRE ET JUDICIAIRES À GENÊVE


Ni les femmes ni la terre ! est un documentaire tourné comme un voyage en itinérance autour des luttes ayant trait au corps et au territoire. En Argentine et Bolivie, le film suit au plus près celles qui luttent contre les violences faites aux femmes, le système Monsanto et la destruction de l’environnement par les entreprises extractivistes. Il met en évidence le parallèle entre les logiques d'appropriation capitaliste, coloniale et patriarcale de la terre et des corps des femmes, compris comme potentielles sources de profit. Dans les favelas, les périphéries urbaines, les campagnes isolées en Patagonie et l’altiplano bolivien, ces femmes combattent pour le droit à disposer de leurs corps, pour un changement de cap des modèles économiques, pour la reconnaissance de la légitimité et de la dignité de leurs "territoires-corps-terres". Elles dessinent des voies pour une révolution écoféministe globale, desde abajo a la izquierda, du sud au nord.

GRILLADES ET FILMS D’ENFANCE D’ABBAS KIAROSTAMI

FIN DE LA SAISON


Pour cette fin de saison, comme l’an dernier, on souhaite aller vers l’été avec l’enfance. S’il y a bien un cinéaste qui a sondé le sujet, c’est Abbas Kiarostami. Avant d’être reconnu par la critique internationale et d’être primé dans les festivals, il a d’abord fondé en 1969 le département cinéma de l’Institut pour le développement intellectuel des enfants jeunes adultes, surnommé « Kanoon ». Dans ce cadre, Kiarostami expérimente, prend aussi bien la voie du documentaire que de la fiction et construit tout une réflexion sur le rapport que l’enfance entretiendrait avec le monde: à savoir comment on se confronte, une première fois, à des questions morales. Ces films, on les trouve vraiment beaux et ça nous réjouit d’en choisir quelques-uns pour cette dernière séance. On a la chance d’être invité par des ami.x.e.s dans leur jardin. Ce sera à l’avenue du Bouchet 23. Il y aura un feu de bois. Ramène de quoi griller.