Ya Franca, Ya Franca de Rabia Teguia + Konan i lé la source de Madeleine Beauséjour


mer. 8 nov. 2023   20h30
Cycle

Un programme de Léa Morin

mer. 8 nov. 2023, films commentés par Léa Morin


LE TRAVAIL DE RABIA TEGUIA ET MADELEINE BEAUSÉJOUR COMMENTÉE PAR LÉA MORIN

YA FRANCA, YA FRANCA
Rabia Teguia, France, 1980, 11 min

A la fin des années 1970, en parallèle de son travail, Rabia Teguia étudie au département cinéma de l’Université libre de Vincennes, Paris 8. Elle y entreprend la réalisation de son unique film Ya Franca, Ya Franca, conçu comme une revendication personnelle et féministe, un manifeste sur pellicule.
« Un court-métrage, pour lequel il m’a fallu une année de travail acharné, à être la réalisatrice, la cuisinière, la porteuse de valise de matos, la « maman » de l’équipe technique. (…) La suite fut longue et difficile. A la rentrée, j’allais constater que les bulldozers n’avaient laissé aucune trace de cet « espace de liberté » de tous les exclus du savoir (qu’était l’Université de Vincennes) ». Le cinéma s’arrête ici pour elle, et les bobines de son film Ya França, Ya França ne sortiront plus de leurs boîtes, avant leur récente numérisation en 2022 par le Polygone Etoilé (Marseille).

KOMAN I LÉ LA SOURCE (SOURCE CITY)
Un film de Madeleine Beauséjour
26 min, 1987, La Réunion, production des Ateliers Sirventès

Trente-six heures dans la vie d’une jeune mère dans le quartier populaire de La Source à Saint-Denis où le chômage et l’entraide règnent.

Féministe, militante créole, artiste et monteuse, Madeleine Beausejour est à l’origine de la création en France du groupe politique Révolution Afrique (1969) engagé dans la formation des avants gardes révolutionnaires des pays d’Afrique. Elle avait monté une école de formations pour les activistes des foyers d’immigrés de Seine St Denis et a filmé les luttes des foyers pendant des années, mais ne put jamais finir son film. Les kms de pellicules ont disparu. Elle souhaitait également participer à un cinéma révolutionnaire africain. Elle travaille par la suite comme monteuse avec de nombreux cinéastes et ne réalise qu’un film Koman I Lé la source , quelques années avant son décès au début des années 1990. Ce film, conservé à la Cinémathèque de Toulouse, vient d’être numérisé.





LÉA MORIN: PRENDRE SOIN DES RÉCITS MULTIPLES ET ABÎMÉS DU CINÉMA

Éditer, restaurer, archiver.
Du papier, de l’encre, de la pellicule et des boîtes
prendre soin des récits multiples et abîmés du cinéma

Un programme de Léa Morin
Une rencontre avec Wassyla Tamzali
co-organisé avec la librairie La Dispersion

MA 7, ME 8, JE 9 NOVEMBRE

Léa Morin est une chercheuse-passeuse. Elle réédite des textes, restaure des films oubliés, remobilise des cinéastes ignoré.x.e.s. Ses recherches s’orientent vers un cinéma cinéma en lutte, un cinéma de décolonisation, un cinéma “contre les récits et modèles autoritaires (coloniaux, étatiques, capitalistes, patriarcaux)”. Depuis plusieurs années nous rêvons de l’inviter au Spoutnik. Et cela arrive enfin. Le temps de 3 soirs en novembre. L’occasion d’accueillir aussi Wassyla Tamzali, écrivain algérienne, qui présentera son livre à la Librairie La Dispersion ainsi qu’un film au Spoutnik.
Tom et Nathan

Les gestes de l’édition, de la recherche, de la restauration, de l’archivage, particulièrement lorsqu’ils sont menés en militance et en collectif, nous permettent d’aller dans les écarts, les creux et les absences, pour prendre soin des récits multiples et abîmés du cinéma.
Un livre sur les cinémas algériens et tunisiens post-indépendance qui a failli finir au pilon, un ciné-manifeste féministe en 16mm longtemps égaré, un ciné-cri anti-colonial rejeté et méprisé, une oeuvre de lutte, invisibilisée et oubliée, bien que populaire, ou encore un film dont la France refusera la langue (le créole) jusque dans son titre.
Des œuvres qui auraient tout aussi bien disparaître.
En Algérie, à La Réunion, dans le Paris colonial ou celui « des immigrés » de la Goutte d’Or.
Et pourtant, ce papier, cette encre, ces boîtes, ces bobines et ces pellicules survivantes, portent dans leur matière même la puissance d’un désir de cinéma, d’une volonté de lutter, et de s’opposer aux récits coloniaux et dominants. Par la fabrication d’un nouvel imaginaire et d’un langage propre, qui raconte les sociétés dans leurs complexités.
Prendre soin de cette matière – l’éditer, la restaurer, l’archiver, la porter -, c’est aussi prendre le temps d’écouter ses récits, ses blessures et son intimité, de l’accueillir et la préserver, en lui inventant de nouveaux espaces de rencontres et de vie.
Comme celui de la séance de cinéma.
Léa Morin