LOSING GROUND de Kathleen Collins


mer. 15 févr. 2023   20h30
Cycle

1969 - 1983: SIX MÉLODRAMES AFRO-AMÉRICAINS

LOSING GROUND, Kathleen Collins, États-Unis, 1982, 86’, Vo, sous-titré français

ME 15, 20h30

La première qualité de Losing Ground est son écriture, d’une dialectique fine mais directe, autour d’une intellectuelle, professeur d’université, écrasée par son mari artiste et par sa mère. Dépassant les dialectiques raciales attendues, le film cible violemment le mépris de l’artiste mâle égocentrique, qu’il soit noir ou blanc. Le beau mouvement de ce film féministe est de trouver une porte de sortie à partir de son métier même : elle rédige une thèse sur la question de l’extase. Dans un dialogue magnifique, elle prend conscience qu’elle aussi connaît des moments d’extase, dans son travail de chercheuse, et qu’elle aussi sait quitter terre (« losing ground »). Cette reconnaissance de l’extase intellectuelle est d’une profondeur rare, et on ressent de la gratitude envers Kathleen Collins d’avoir accordé place à ce pouvoir des idées. SD

Sara et Victor, un couple installé, vivent un moment de crise. Lui est un peintre reconnu et fier. Elle est philosophe et se passionne pour la notion d’extase. Un été à deux, loin de la ville, fissure peu à peu leur rêve bourgeois. Construit comme une antithèse des clichés sur la communauté noire, le film fût quasiment perdu de vue jusqu’à sa restauration en 2015.





1969 - 1983: SIX MÉLODRAMES AFRO-AMÉRICAINS

Que faire face à la violence politique? Commencer peut-être par se raconter.
C’est ce à quoi se sont consacré.e.s plusieurs cinéastes afro-américain.e.s entre les années 70 et 80. Leurs films – SEVERAL FRIENDS (1969), THE HORSE (1973), KILLER SHEEP (1978) et MY BROTHER’S WEDDING (1983) de Charles Burnett, LOSING GROUND (1982) de Kathleen Collins et BLESS THEIR LITTLE HEARTS (1983) de Billy Woodberry – viennent après les émeutes, après Martin Luther King, après Malcolm X, après les Black Panthers. Dès lors, le travail de ces cinéastes n’a pas été d’enregistrer l’insurrection mais de recourir à la fiction pour documenter la condition de vie des leurs dans les ghettos. Si dans ces films, le Blanc et la police sont éliminés du champs visuel, il n’en reste pas moins que les tensions sont vives à l’intérieur de la communauté. Tensions car le chômage ronge le quartier et que derrière, tout se fragilise: l’amour, la famille, l’amitié. Ainsi, ces situations tragiques trouvent écho dans la forme même des films, à savoir des mélodrames qui, s’ils sont chargés d’affect, n’abandonnent jamais une rigueur d’observation sociologique.