Alain Resnais

Issu d'une famille lettrée, Alain Resnais se passionne très tôt pour toutes les formes d'art, de la photographie à la littérature, influences qui marqueront durablement son œuvre. A 12 ans, le jeune cinéphile qu'il est se voit offrir pour Noël, par son père, sa première caméra Kodak, avec laquelle il tourne quelques films en super 8 dont un "Fantomas". Egalement passionné de théâtre, il s'inscrit au Cours Simon avant d'intégrer en 1943 la première promotion de l'IDHEC (équivalent de la Fémis), en section montage. Après-guerre, il réalise une série de films d'art très remarqués (Van Gogh, Guernica). Contemporain de la Nouvelle Vague, il est plus proche d'un groupe "Rive gauche" engagé dont font partie Chris Marker, avec qui il co-signe Les Statues meurent aussi (Prix Jean Vigo 1954), et Agnès Varda - il monte La Pointe courte, premier long métrage de la réalisatrice en 1954-55. La même année, il obtient encore le Prix Jean-Vigo, pour Nuit et brouillard, documentaire qui deviendra un film de référence sur la déportation.

Sorti en 1959, quelques semaines après Les 400 coups, Hiroshima mon amour, le premier long métrage d'Alain Resnais, s'impose comme une autre œuvre charnière du cinéma français, à la fois par l'audace de son sujet (les traumatismes de la Seconde Guerre mondiale évoqués à travers une histoire d'amour) et la modernité de la narration. Versé sur un style relativement expérimental, Resnais n'en oublie pas de diffuser un message pour autant : la mémoire restera ainsi un des thèmes fétiches du cinéaste, comme en témoignent ses deux films suivants, avec Delphine Seyrig, l’abscons L'Année dernière à Marienbad (Lion d'Or à Venise en 1961), puis Muriel (1964), sur les fantômes de la Guerre d'Algérie, ou plus tard Providence (1977). Loin de ne se soucier que de la forme, il se montre également très engagé : il fait ainsi de Montand un militant anti-franquiste dans La Guerre est finie (Prix Louis-Delluc 1966), prend part au film collectif Loin du Vietnam, et au manifeste utopique L'An 01.

En dépit de son image de cinéaste intellectuel, l'auteur de L'Amour à mort, qui offre à Bébel le rôle de l'escroc Stavisky en 1974, est nourri de culture populaire : s'essayant à la SF (Je t'aime, je t'aime, 1968), il revisite le théâtre de boulevard (Mélo, 1986), s'intéresse à la BD (I Want to Go Home), donne à la variété ses lettres de noblesse (On connait la chanson, son plus gros succès en 1997) et signe une opérette (Pas sur la bouche). Film-puzzle rythmé par les interventions d'Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique (primé à Cannes en 1980) illustre à merveille le caractère à la fois ludique et cérébral de son cinéma, tourné vers des horizons aussi éclectiques que variés.

A partir des années 80, Resnais fait appel à un trio d'acteurs virtuoses auxquels il offre, au fil des ans, des partitions subtiles et variées : André Dussollier, Pierre Arditi et bien sûr sa muse Sabine Azéma, qui ont chacun remporté au moins un César dans la cadre de leur collaboration avec le cinéaste. L'amour de Resnais pour ses comédiens éclate dans Smoking-No Smoking, Arditi et Azéma interprétant à eux seuls les onze personnages de ce diptyque, César du Meilleur film en 1993. Côté scénaristes, si, à ses débuts, ses collaborateurs avaient pour nom Duras ou Robbe-Grillet, figures de proue du nouveau roman, le maître respecté, lauréat d'un Ours d'or d'honneur à Berlin en 1998, jadis très marqué par la littérature ardue, s'entoure à présent d'auteurs plus grand public, tels le couple Bacri -Jaoui dans les années 90, puis Jean-Michel Ribes pour Coeurs, Prix de la Mise en scène à Venise en 2006. Plus abordables et moins hermétiques, ses films prennent alors une direction moins abstraite. Trois ans plus tard, à l'occasion de la présentation des Herbes folles (sa toute première adaptation de roman), Alain Resnais reçoit à Cannes un Prix exceptionnel pour l'ensemble de son œuvre. Loin de tirer sa révérence, il continue d'exercer sa passion avec ses acteurs fétiches de toujours, et nous réserve encore de nombreuses surprises avec Vous n'avez encore rien vu.

Alain Resnais disparaît le 1er mars 2014, à l'âge de 91 ans, soit vingt-cinq jours avant la sortie en salles de son dix-neuvième et dernier long-métrage, Aimer, boire et chanter. Adapté de la pièce de théâtre "The Life of Riley" du dramaturge britannique Alan Ayckbourn, il avait reçu en février le prix Alfred Bauer - qui récompense un film ouvrant de nouvelles perspectives - au Festival de Berlin.




PROVIDENCE

SPOUTNIK EN PLEIN AIR
LES FILMS À BOIRE


À la veille de son septante huitième anniversaire, Clive Langham, un écrivain dont la santé empire et sentant la fin proche, réfléchit à sa dernière oeuvre. Durant toute une nuit dans sa villa de campagne, celui-ci retrace ses souvenirs les plus anciens et interrogations existentielles. Aux divagations, rêves, réminiscences, cauchemars et projections imaginaires, s’entremêlent et se condensent les figures de la défunte femme du romancier, Molly, de ses enfants, et de Sonia, la femme de son fils Kevin.

L’AN 01

PROJECTION DU 1ER MAI


Mardi, quinze heures, premier jour de l’An 01 : « On arrête tout et on réfléchit ». Les travailleurs de tous les corps de métiers déposent les armes de la guerre industrielle pour commencer une nouvelle vie dans la rue.