LA VIOLENCE EST AUSSI AMÉRICAINE QUE LA TARTE À LA CERISE

Il y a trois ans, Netflix distribuait Les Sept de Chicago d’Aaron Sorkin, une fiction qui revenait sur le procès des militants condamnés pour leur présence à une manifestation contre la guerre du Viêt Nam, tenue à Chicago en 1968 lors de la Convention nationale démocrate. Ah tiens, une fiction de gauche sur Netflic? En fait non, plutôt un objet sympathique. Les flics en manif y ont l’allure de marionnettes, le juge, comme souvent dans les films de tribunal, y est très méchant, et les sept condamnés sont hissés au rang de héros charismatiques. Le film fait ainsi rentrer l’événement dans la mémoire collective en le rendant aisément assimilable et domestiqué. Suite à cela, on a souhaité voir un peu comment le sujet avait été traité au moment des faits. On a trouvé une série de films qui démontrent que Les Sept de Chicago n’est rien d’autre qu’une formidable entreprise de déni, d’oubli quant au niveau de violence imposé par l’État américain à ses concitoyen.ne.s dans ces années-là. Ainsi, pour réunir ces cinq films – MEDIUM COOL (Haskell Wexler, 1969), LISTEN AMERICA ! (Edouard de Laurot, 1969), PUNISHMENT PARK (Peter Watkins, 1971), AS ABOVE, SO BELOW (Larry Clark,1973) et UNDERGROUND (Mary Lampson, Emile de Antonio, Haskell Wexler, 1976) – autour d’un titre, la phrase du militant H. Rap Brown entendue dans UNDERGROUND nous a paru de circonstance: “La violence est aussi américaine que la tarte aux cerises”. C’est-à-dire que tous les américain.e.s goûtent à cette violence. C’est le fond de l’air du pays. Et dès lors que des groupes reconnaissent que “nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes possibles” (dixit les Straub), dès lors que ces groupes contestent ce monde, l’interrogent, ils se retrouvent alors brutalement en prise avec la violence. C’est le mouvement à la fois terrible et courageux de ces films que de chercher les moyens de mettre en scène cette conflictualité. Et problématiser les voies de sortie envisagées: pacifisme ou lutte armée, avec ou sans la dope pour expérimenter de nouveaux rapports sociaux, avec ou sans la convergence des luttes autour de la race, du genre et des classes sociales. Ces contradictions qui ont façonné ces années et ces films restent toujours pertinentes aujourd’hui, pour se demander encore une nouvelle fois: que faire ou comment faire face à la violence politique?




MEDIUM COOL de Haskell Wexler

LA VIOLENCE EST AUSSI AMÉRICAINE QUE LA TARTE À LA CERISE


Fiction développée dans l’immédiateté des événements, Medium Cool décrit la prise de conscience d’un reporter de télévision, John Cassellis, plongé dans les mouvements de protestation de 1968 qui bouillonnent pendant la Convention Démocrate à Chicago. La situation létale traversée par John Cassellis préfigure l’expérience vécue par Haskell Wexler au cours du tournage de Introduction to the Enemy au Vietnam, avec Jane Fonda.

LISTEN AMERICA ! de Edouard de Laurot

LA VIOLENCE EST AUSSI AMÉRICAINE QUE LA TARTE À LA CERISE


Film prophétique sur l’Amérique comme univers paranoïaque du contrôle, où Edouard de Laurot appelle à l’unité de tous les mouvements révolutionnaires : les militants noirs, les hippies, les pacifistes et les gauchistes de toutes sortes. Comme Black America / Silent Revolution, Listen, America ! prône la lutte armée et le renversement du gouvernement par la violence.

AS ABOVE, SO BELOW de Larry Clark

LA VIOLENCE EST AUSSI AMÉRICAINE QUE LA TARTE À LA CERISE


Le deuxième film de Larry Clark met en scène l’histoire de Jida-Hadi, enfant du ghetto de Chicago, vétéran du Vietnam, dont la prise de conscience politique le mène à rejoindre un réseau révolutionnaire qui prépare l’insurrection noire aux États-Unis. De 1945 aux années 70 du Vietnam, la « science-fiction politique » se double d’une satire ravageuse du « bon Noir » des prédicateurs religieux. Aux extraits du rapport de la Commission des activités antiaméricaines répondent les images documentaires de l’interventionnisme américain et des guerres d’indépendance africaines qui construisent la conscience de Jida-Hadi.

UNDERGROUND de Mary Lampson, Emile de Antonio et Haskell Wexler

LA VIOLENCE EST AUSSI AMÉRICAINE QUE LA TARTE À LA CERISE


Entretien avec les membres du Weather Underground, mouvement révolutionnaire marxiste-léniniste revendiquant le principe d’importer la guerre du Vietnam sur le territoire américain (« Bringing the War Home »). Bill Ayers, Kathy Boudin, Bernardine Dohrn, Jeff Jones, Cathy Wilkerson, passés dans la clandestinité, sont alors les ennemis publics n°1, traqués par le FBI.