Patricio Guzmán – Habiter la Terre, habiter les temps



Le Spoutnik propose deux films de Patricio Guzmán « Nostalgie de la lumière » (2010) et « Le bouton de nacre » (2015) – une programmation filmique conçue par Anna Barseghian dans le cadre des Réverbères de la mémoire (Parc Trembley, Genève). Ce programme accompagne la sortie du film « La cordillère des songes » présenté par Patricio Guzmán au Cinéma Grütli.

Comment rendre justice aux disparus? C’est la question qui hante et habite les films de Patricio Guzmán, lui qui a dû s’expatrier en France pour réapprendre à vivre avec son pays natal (le Chili) que la dictature de Pinochet avait rendu inhabitable. À travers la composition des films documentaires Guzmán redonne vies, entrelaçant des trajectoires, des temps et des existences qui demandaient à reprendre corps et à retrouver une place dans le monde. Ses films expriment ainsi le sentiment d’une perte qui porte sur les disparus, mais aussi, à travers eux, sur notre relation au cosmos. Car nous avons perdu le monde, nous avons perdu l’épreuve cosmique qui rendait possible l’habitation d’un monde. Réapprendre à habiter ne sera possible, nous dit Guzmán, qu’à reconnaître notre condition terrestre, c’est-à-dire à accueillir la multiplicité des temps qui forment la Terre, l’enveloppent et la débordent à la fois. C’est pourquoi le travail de mémoire qu’il met en oeuvre articule la dimension humaine et la dimension terrestre : ses films réveillent la mémoire de la multiplicité des existants qui composent la Terre, qu’ils soient humains ou non humains.
Son travail se construit depuis l’expérience de l’absence, du spectre, de la trace, réinventant ainsi la pratique du montage cinématographique : à travers des jeux de correspondance, ses films font surgir ce qui, des disparus, persiste dans les failles et les intervalles, à même la matière du paysage. Alors, ces « disparus » revivent mais autrement, plus largement, avec nous et parmi nous les vivants, et plus intimement, avec tout ce qui nous entoure. Ils sont ces existants qui n’en finissent pas d’habiter la Terre et les étoiles lointaines.
– Anna Barseghian

La projection de « Le bouton de nacre » sera accompagné par la discussion “Habiter la Terre, habiter les temps, une approche des films documentaires de Patricio Guzmán” par David gé Bartoli et Sophie Gosselin, philosophes, avec la médiation Anna Barseghian et Stefan Kristensen.