DERNIER MAQUIS


lun. 27 nov. 2023   20h30
Cycle

6 FILMS DE RABAH AMEUR ZAÏMECHE

DERNIER MAQUIS, Rabah Ameur Zaïmeche, France, Algérie, 2007,93 min

LU 27 NOVEMBRE, 20H30

Au fond d’une zone industrielle à l’agonie, Mao, un patron musulman, possède une entreprise de réparation de palettes et un garage de poids-lourds. Il décide d’ouvrir une mosquée et désigne sans aucune concertation l’imam…

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Le titre du film est énigmatique pour le quidam qui ignore aussi bien la langue arabe que l’histoire contemporaine de l’Algérie (pays où est né le réalisateur). « Adhen » veut dire appel à la prière, « Dernier maquis » fait référence aux intégristes religieux, (on pense évidemment à l’Algérie). Quel est le rapport entre ces mots d’un vocabulaire étranger à la France d’aujourd’hui et le film qui se déroule dans la banlieue du nord de Paris ? Notre quidam cité précédemment ne verra évidemment pas de relations. Il y en a pourtant ! Car les populations étrangères en France transportent avec elles leurs us et coutumes que des petits malins vont manipuler pour mieux exploiter les ouvriers issus de ces populations. Pour montrer leur fragilité dans une société qui ignore presque tout de leur culture, le réalisateur filme des ouvriers qui partagent la même foi religieuse. Leur pratique religieuse (zigounette mutilée, prière collective grossière à mille lieux des psalmodies ensorcelantes des versets coraniques) est caricaturée à dessein par le réalisateur pour mieux montrer ensuite la « suprématie » du réel quand le conflit éclate entre le patron et ses ouvriers. Eh oui l’islam, comme toutes les religions, est utilisé comme une arme politique dans la lutte de classes niée par les zélateurs qui « ordonnent » aux fidèles de se fondre, (pour assurer la paix sociale), dans la fameuse Oumma, la communauté des croyants. Adhen ou dernier maquis est un film qui s’attaque avec un certain doigté à un problème complexe, le rapport entre le politique et le religieux. On n’est pas gêné par la simplicité du dispositif de la narration car tous les plans ont une densité qui « révèle » le jeu et les enjeux de sujets (rapports entre le patron et ses employés, entre l’imam et ses « ouailles », entre les ouvriers « noirs » et « arabes » etc..). Le réalisateur porte sur ses personnages un regard complice agrémenté d’un certain humour, et la dose de poésie des images et des sons compensent les « non-dits » du film. Dans son regard sur le monde qu’il filme, on y lit la pensée du réalisateur sur la situation actuelle du pays qui l’a vu naître et auquel il a consacré le magnifique Bled Number One. Avec Dernier maquis, Rabah Ameur revient à « sa » banlieue qu’il avait déjà mis en scène dans Wech Wech, film d’un inconnu et que l’ACID a eu le flair de soutenir fermement. On connaît la suite…





6 FILMS DE RABAH AMEUR-ZAÏMECHE

6 FILMS DE RABAH AMEUR-ZAÏMECHE

Dans la continuité de ce qui se tramera avec Léa Morin, il y aura également un cycle consacré au travail de Rabah Aimeur-Zaïmeche, qu’on organise avec Erika Nieva Cunha. Voici les mots d’Erika à propos de son dernier film.

« – C’est toujours le pétrole.
Après l’avoir vu, impossible de ne pas proposer LE GANG DES BOIS DU TEMPLE de RABAH AMEUR-ZAIMECHE au Spoutnik en ces temps d’apocalypse où toute forme de paix, et surtout de justice semble impossible. Impossible d’écrire ce mini-édito sans penser à la Palestine et à ce que vivent les gazaouis en ce moment-même. Palestine vaincra. Le dernier film de Rabah Ameur-Zaimeche n’est pas un film sur la libération de la Palestine mais c’est bel et bien un film sur l’amour, la fraternité, l’engagement, la fierté, la débrouille, la lutte des classes, la vengeance aussi. Eclairés par les lumières de la ville façon film néo-noir américain, la tragédie rejouée dans LE GANG est vieille comme le monde: les possédants contre les dépossédés. Et comme on avait déjà beaucoup aimé les autres films de RAZ on s’est dit qu’on allait (presque) tous les montrer.»

Rabah est franco-algérien, a grandi à la cité des bosquets, à Montfermeil, où il a monté sa propre structure de production et réalise en 2002 son premier film WESH WESH, QU’EST-CE QUI SE PASSE ? Depuis, Rabah continue de semer des films – toujours dans cette même structure – au rythme d’une fois tous les trois ans. La méthode RAZ, c’est déjà d’avoir trouvé sa troupe d’acteur.ice.s, qui semblent pour la plupart issu.e.s des quartiers populaires, dont on ne sait pas très bien s’ils sont amateurs ou professionnels. Une sorte de bande de fidèles, qu’on ne voit – presque – nulle part ailleurs que dans son cinéma, film après film. La méthode RAZ, c’est aussi de se mettre en scène lui-même (à l’exception des deux derniers films). La méthode RAZ, c’est encore de ne jamais faire l’économie du réel, c’est-à-dire de prendre la mesure de toute la brutalité de la société: la police dans WESH WESH, le racisme, les fondamentalismes, la misère au bled, l’exploitation de l’homme par l’homme. Alors, à quel endroit se mettre face à tout cela et comment résister? La réponse – cinématographique – se traduit dans un mélange, assez merveilleux, de rudesse et de douceur. La rudesse, c’est ce vers quoi te pousse irrémédiablement le réel: la vengeance, la prise des armes, la tentation de l’assimilation ou de l’ascension sociale. Au milieu de cela, Rabah campe des personnages qui, tout en se heurtant à ce tragique, s’essaient à fabriquer d’autres récits. Des histoires de sages, de guides bienveillants, remplis d’attention et de douceur envers l’humanité mais aussi la nature.
Tom et Nathan