Short Stay + courts-métrages de Ted Fendt


sam. 2 avril 2022   20h30
Réalisation
Ted Fendt
Cycle

Rétrospective Ted Fendt

sam. 2 avril 2022, En présence du réalisateur


SHORT STAY, Ted Fendt, 2016, États-Unis, 61’, Vo sous-titré français

Mike est le prototype du trentenaire adulescent. Lorsqu’un ami lui propose de le remplacer dans une coloc à Philadelphie, le banlieusard tente l’aventure de la grande ville. De nouvelles rencontres en petits jobs improbables, Mike avance maladroitement et se retrouve vite confronté à tout ce qui rend la vie si compliquée : les autres. Ted Fendt, avec ce premier long métrage tendu comme un arc, réinvente la figure du loser, et le transforme en miroir d’un monde qui se révèle d’une cruauté assumée. Derrière ses aspects de comédie douce amère, il y a dans Short Stay une réelle acidité du trait, et une magnifique exigence, aussi bien dans la précision de sa mise en scène que dans la virulence d’un portrait de l’Amérique au vitriol.
Laurence Reymond

BROKEN SPECS, Ted Fendt, 2012, États-Unis, 6’, Vo sous-titré français

Mike casse ses lunettes en deux et se lance dans une étrange journée où il rencontre des gens qu’il ne connaît que vaguement.

TRAVEL PLANS, Ted Fendt, 2013, États-Unis, 7’, Vo sous-titré français

Un court métrage sur le voyage et le fait de rester chez soi.

GOING OUT, Ted Fendt, 2014, États-Unis, 8’, Vo sous-titré français

Liz pense qu’elle va sortir avec Rob pour voir RoboCop, mais les choses prennent une tournure inattendue (et inexplicable).





Rétrospective Ted Fendt

Dans Broken Specs, l’un des trois courts-métrages de Ted Fendt, Mike Maccherone retrouve ses lunettes cassées sous une voiture, les répare avec trois bouts de scotch, les laisse à nouveau tomber sur une pizza partagée avec ses parents – méprisants – et les casse encore, en dansant chez ses ami.e.s, elleux aussi méprisant.e.s. Chez Ted Fendt, les aventures sont aussi triviales que celle de casser ses lunettes. Cinq films où un petit monde de jeunes adultes traversent d’incessants décalages avec leur époque. Ce petit monde, ce sont les ami.e.s du cinéaste, à qui il laisse l’espace – cinématographique – d’exprimer leur étrangeté: pas dormir, trop lire, trop savoir, trop parler. Qu’ils soient étudiants ou munis d’un travail, érudits ou non, les personnages des films de Ted Fendt n’en sont pas moins perdus dans les villes qu’ils habitent ou visitent (Philadelphie, Berlin, Vienne).

Dans Outside Noise: «Les individus ne savent pas à quoi ils appartiennent ni qui ils sont. Tu dois retrouver tes repères.» Dans Classical Period: «Je dois trouver un sujet. Quelque chose de précis à développer. Je suis trop confuse et dispersée. […]. Je dois m’éclaircir les idées. […]» Si ces films dépeignent une génération en déshérence, ils proposent néanmoins des révoltes miniatures. Toujours dans Classical Period: «Je trouve utile de parler de tout ça avec d’autres.» Accordant une importance prépondérante à l’écoute et à la parole, Ted Fendt observe des êtres se lier entre eux et s’accompagner dans leurs doutes. Les étudiant.e.s de ces deux films ont encore ce luxe ou ce leurre d’avoir du temps. Le temps de discuter, de lire, de se balader mais aussi le temps de tourner en rond.
Au contraire, dans Short Stay, tout paraît plus empressé, en témoigne le rythme du film. Ici, le temps manque. Mike doit chercher un toît et enchaîne les petits boulots minables. La parole devient alors plutôt pratique, à savoir que les relations existent à travers la demande réciproque de services. Cette fragile entraide matérielle laisse ainsi voir combien la précarité vient abîmer les relations humaines.
Si dans Outside Noise et Classical Period, l’amitié et l’érudition semblent être des refuges dans un monde sans repères, il ne reste dans Short Stay rien d’autre que le visage impitoyable de l’Amérique.

Aussi, Ted Fendt prend soin d’inscrire précisément ses personnages dans les espaces et les lieux. Rues, marchés, bâtiments, parcs que l’on aperçoit à plusieurs reprises, caressés par des lumières différentes, à l’aube, en journée, la nuit. Comme des personnages à part entière. L’attention à tous ces détails montre combien ces êtres sont tissés par ce qui les entoure. Les chemins semés d’incertitudes que dessinent ces films nous disent néanmoins qu’il y a peut-être encore un peu de foi à nicher dans des choses aussi mineures que cet immense chêne filmé avec l’éclat du 35mm.

Tom et Nathan