MONANGAMBÉ + SAMBIZANGA


lun. 19 sept. 2022   20h30
Cycle

Réouverture avec 4 films de Sarah Maldoror

lun. 19 sept. 2022, En présence de la fille de la cinéaste: Annouchka de Andrade


MONANGAMBÉ, Sarah Maldoror, Algérie, Angola, France, 1969, 20’, Vo, sous-titré
français

Monangambée aborde la torture par l’armée portugaise d’un sympathisant de la résistance angolaise. En fin de montage, Sarah Maldoror aborda les membres de l’Art Ensemble of Chicago lors d’un concert parisien et leur proposa de sonoriser son film. Le lendemain ils visionnèrent le film, furent convaincus et, dans la foulée, enregistrèrent leur première bande-son. Gratuitement. Comme évidence d’une solidarité afro-américaine. Tourné à Alger, Monangambée est un film sur la torture et, de façon plus large, sur l’incompréhension entre colonisés et colonisateurs. Il est basé sur un roman de l’écrivain angolais Luandino Vieira, alors emprisonné par le pouvoir colonial portugais.

SAMBIZANGA, Sarah Maldoror, Angola, France, RDC, 1972, 95’, Vo, sous-titré français

Angola 1961. Domingos Xavier, un militant révolutionnaire angolais, est arrêté par la police secrète portugaise. Emmené en prison à Sambizanga, il est interrogé, puis torturé pour lui extorquer les noms de ses amis indépendantistes… Sa femme Maria part à sa recherche avec son bébé…





4 FILMS DE SARAH MALDOROR

En mai dernier, nous avons essayé d’ouvrir une brèche au sujet du cinéma décolonial autour des films de Med Hondo, Sidney Sokhona et Safi Faye. Nous prolongeons cette recherche, consacrant, cette fois, deux projections à la cinéaste d’origine guadeloupéenne Sarah Maldoror. Entre les années 50 et les années 70, Maldoror voyage: la France d’abord, aux côtés des poètes de la négritude Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Edouard Glissant, l’Union Soviétique ensuite pour des études de cinéma, apprentissage de la dialectique par le montage, puis l’Afrique du Nord, Alger, capitale des révolutions, où elle se lie au Mouvement populaire de libération de l’Angola. La trajectoire en dit déjà long sur le personnage, ses désirs et sur ce qui se trame plus généralement pour certains cinéastes à ce moment-là: il y a quelque chose à faire entre la poésie, le cinéma, le communisme et les différentes luttes anti-impérialistes dans ce monde. Tisser des fils: internationalisme, panafricanisme, cinémas de guérilla pour une révolution mondiale.

En 1972, Sarah Maldoror réalise Sambizanga, premier long métrage réalisé par une femme dans l’Afrique subsaharienne. Sambizanga est tourné comme une fiction mais le film se veut le révélateur d’événements qui ont eu lieu dix ans auparavant en Angola. À cette époque-là, dans un contexte insurrectionnel, le régime colonial portugais réprime violemment les militant.e.s. Maldoror, entourée d’acteur.ice.s réel.les de la lutte en cours, construit son récit du point de vue d’une femme et se place au niveau intime et affectif de la résistance: la tendresse, les pleurs, la douleur des corps et de la séparation.

Cette approche est déjà à l’œuvre dans Monangambé, court-métrage qu’elle réalise trois ans plus tôt. En un temps condensé – vingt minutes à peine – ce film brut et quasi muet expose toute la brutalité carcérale exercée par le régime de Salazar en Angola mais aussi subie par tous les damnés de la terre. Reste, là au milieu, à puiser dans quelques gestes d’amour et dans la puissance rythmique du Art Ensemble of Chicago.

L’usage de la musique chez Maldoror sert de pont entre les populations noires et dessine une forme de communauté transnationale. En témoigne la voix de Paul Robeson, chanteur gospel et militant, qu’on entend devant un merveilleux plan de fourmis dans Léon G. Damas (1994). Ce court métrage, articulé autour du poète Léon G. Damas, poursuit une réflexion autour de la négritude que Maldoror avait déjà pris en charge dans des films consacrés à Aimé Césaire. La négritude, entendue comme l’affirmation d’une identité noir et le refus de toute assimilation, s’exprime chez Damas dans une poésie répétitive, mélodieuse, profondément ancrée dans la terre guyanaise. Tout le film de Maldoror tient dans la transmission des poèmes: trouver dans le territoire, dans la jungle, dans les prisons, dans les visages une caisse de résonance aux mots de Damas.

Ce questionnement relatif à l’assimilation, Sarah Maldoror l’a travaillé dans Un dessert pour Constance (1979), une comédie que l’on pourrait rapprocher des films cyniques et corrosifs de Med Hondo ou Sidney Sokhona. Par l’apprentissage d’un bouquin de cuisine française et la participation à une émission télévisée, deux travailleurs de rue espèrent réunir assez d’argent pour renvoyer au pays un de leur camarade malade. Dans ce film burlesque, où les rôles sont renversés, le jeu de l’intégration est tactique. Il participe à ridiculiser la France raciste et à condamner ses stéréotypes.

À côté de ces quatre films, Sarah Maldoror en a réalisé des dizaines d’autres.
Certains de ses films sont encore en cours de restauration. Ainsi, il se peut qu’une deuxième fenêtre s’ouvre au printemps prochain.

Nous remercions Annouchka De Andrade, fille de Sarah Maldoror, qui se bat pour faire exister ces films longtemps oubliés et qui nous fait le plaisir de venir accompagner les projections les 19 et 20 septembre.

Tom et Nathan