Il mondo perduto


ven. 13 août 2021   21:30

Réalisation
Vittorio De Seta
Pays
Italie
Année
1954
1955
1956
1957
1958
1959
Langue
ST français
VO italien
Durée
120'
Cycle

Spoutnik en plein air: Bains des Paquis # 1

Il mondo perduto: 10 courts-métrages de Vittorio De Seta, Italie, 1954-1959, 120’, vo italien, sous-titré français

I dimenticati, 1959, 17’ – Pescherecci, 1958, 9’ – Pastori a orgosolo, 1958, 10’ – Parabola d’oro, 1958, 9’ – Un giorno in barbagia, 1958, 9’ – Pasqua in sicilia, 1956, 8’ – Contadini del mare, 1956, 9’ – Sulfarara, 1955, 9’ – Isole di fuoco, 1954, 9’ – Lu tempu di li pisci spata, 1954, 10’

Aux Bains des Pâquis
21h30
entrée libre

Entre 1954 et 1959, Vittorio De Seta réalise 10 courts-métrages dans le Sud de l’Italie, réunis sous le nom de Il mondo perduto. Seul, en 35mm, en son direct, en couleurs et cinémascope, De Seta recueille les gestes et les traditions de pêcheurs, mineurs, berger.es, paysan.ne.s dans leur relation intime avec le territoire qui les fait vivre. Plus proche du lyrisme soviétique que du néoréalisme en vogue à cette période-là, De Seta puise notamment dans les chants populaires scandés par les travailleur.e.s pour se mettre à leur hauteur et insuffler le juste rythme à ses films. Chant du Salento: Allora quandu pumpavi, ca pumpavi na sciurnata, per esempio, allora quiddhu puru cu nu se stanca, cu nu dorma, perché la stanchezza… e allora zicca’ a cantare no? Le cinéma de De Seta révèle une forme de grâce qui serait indissociable du savoir-faire paysan, du rituel et du travail en communauté.





Il popolo! : Spoutnik en plein air

13-14.08 BAINS DES PAQUIS – 18.08 FERME DE LA TOUVIERE – 21.08 PORTEOUS
 
Improvviso il mille novecento
cinquanta due passa sull’Italia:
solo il popolo ne ha un sentimento
vero: mai tolto al tempo, non l’abbaglia
la modernità, benché sempre il più
moderno sia esso, il popolo, spanto
in borghi, in rioni, con gioventù
sempre nuove – nuove al vecchio canto –
a ripetere ingenuo quello che fu.

 
Comme en témoigne la première strophe de son poème Il canto popolare (1952), Pier Paolo Pasolini fut dès l’après-guerre préoccupé par le peuple, dans sa forme la plus marginalisée, menacée: les gueules, les dialectes, les gestes, les chants des Ragazzi des terrains vagues de Rome, des paysan.ne.s du Sud, des sous prolétaires, dont la pureté serait selon lui pervertie par le capitalisme. À la même époque et plus tard, d’autres cinéastes italien.e.s ont également ressenti l’urgence de porter à l’écran la beauté tragique de ce peuple. Le plein-air de cet été est donc pour nous l’occasion de se pencher – non pas sur Pasolini mais – sur ces cinéastes dont certains de leurs films ont été aussi oublié.e.s que les vies qu’ils ont pu filmer.
 
Entre 1954 et 1959, Vittorio De Seta réalise 10 courts-métrages dans le Sud de l’Italie, réunis sous le nom de Il mondo perduto. Seul, en 35mm, en son direct, en couleurs et cinémascope, De Seta recueille les gestes et les traditions de pêcheurs, mineurs, berger.es, paysan.ne.s dans leur relation intime avec le territoire qui les fait vivre. Plus proche du lyrisme soviétique que du néoréalisme en vogue à cette période-là, De Seta puise notamment dans les chants populaires scandés par les travailleur.e.s pour se mettre à leur hauteur et insuffler le juste rythme à ses films. Chant du Salento: Allora quandu pumpavi, ca pumpavi na sciurnata, per esempio, allora quiddhu puru cu nu se stanca, cu nu dorma, perché la stanchezza… e allora zicca’ a cantare no? Le cinéma de De Seta révèle une forme de grâce qui serait indissociable du savoir-faire paysan, du rituel et du travail en communauté.
 
Dans les mêmes années (dès 1958), la cinéaste Cecilia Mangini s’est également penché sur le sort des bannis du Sud. Dans Stendalì, des femmes se lamentent et chantent autour du corps d’un jeune garçon mort. Comme De Seta, Mangini cherche dans le rythme des gestes et dans le chant les ressources permettant au peuple de surmonter ses peines. Tout en s’étant tournée dans le passé pour puiser dans les traditions, Mangini s’est aussi frotté au présent. Dans Essere donne, à l’avènement de la femme moderne, celle crée par le patriarcat et qui figure en une des magazines de mode, Mangini répond par la description du travail en usine que des millions femmes ont exercé dans l’invisibilité la plus totale. Au motifs des traditions et du prolétariat, s’ajoute la figure de l’enfance, entendue comme seule instance non corrompue. Repoussés dans les marges de Rome, les Ragazzi di vita, tel que Mangini et Pasolini aiment les nommer, font de la rue, des fossés d’eau stagnantes et des décharges leurs terrains de jeu. Dans La canta delle Marane et Ignoti alla città, Mangini réenchante ces trous et ces zones délabrées, filme ce qui déborde ces jeunes, ce surplus de vitalité qui les porte, qui les soulève. Mais encore, dans La briglia sul collo, Mangini, en bonne anarchiste, prend la défense d’un jeune turbulent et range l’inadaptation du côté de l’institution scolaire plutôt que du côté de l’enfance.
 
Ce qui nous amène au film de Marco Ferreri, Pipicacadodo (1979), tout entier dédié à cette question. Dans une Rome laide et désolée, significative de la fin de l’humanité, Ferreri voit dans la régression la plus totale une possible voie de secours. C’est que chez Ferreri les hiérarchies sont brouillées, voire annulées. Les enfants peuplent l’usine tandis que les parents habitent la maternelle. Entre les deux, un maître, interprété par Roberto Begnini, organise – presque innocemment – cette anarchie. Par son bavardage incessant, Roberto renvoie à l’assurance et l’autorité de l’adulte alors que la naïveté de ses gestes, son impudeur et la mise en acte immédiate de son imaginaire le tire du côté de l’enfance. Lui se reconnaissant dans les enfants et eux en lui, Begnini désire alors réouvrir un cinéma avec ses élèves en Sardaigne et construire ce qui ressemble à une communauté là où les communautés locales – celles que filment De Seta et Mangini – semblent avoir été liquidées.
 
Enfin, retour au peuple, toujours celui du Sud de l’Italie, dans les années soixante. Damiano Damiani, marxiste de cœur, investit le champ de la fiction populaire pour dépeindre une Sicile rongée par l’omniprésence de la mafia. Vito, neveu et successeur du chef de la mafia tombe amoureux de Francesca, 15 ans et fille de paysan, qui se refuse à lui. Par son refus, Francesca révèle la violence d’un système construit uniquement par et pour le patriarcat. Dans une logique systémique, se refuser à la mafia revient à devoir résister à toutes les institutions dominantes, comme si la seule condition d’existence réservée au petit peuple était la soumission. Entre la mafia qui a fini par tout corrompre, l’église qui s’est maintenue dans ses valeurs archaïques et la police qui a abandonné toute idée de justice, la vie sur l’île semble sans horizon, sans désirs possibles. Ainsi, Seule contre la mafia (1970), comme l’indique le titre du film, n’est autre que le combat d’une jeune femme pour sauver sa dignité, la résistance n’étant plus que réduite à un titre individuel. Reste, alors, la rage et la douleur de Francesca qui porte la voix d’un peuple qui aura été définitivement abandonné.
 

Ragazzo del popolo che canti,
qui a Rebibbia sulla misera riva
dell’Aniene la nuova canzonetta, vanti
è vero, cantando, l’antica, la festiva
leggerezza dei semplici. Ma quale
dura certezza tu sollevi insieme
d’imminente riscossa, in mezzo a ignari
tuguri e grattacieli, allegro seme