Grauzone de Fredi M. Murer


dim. 13 sept. 2020   20h30
mar. 15 sept. 2020   20h30
jeu. 17 sept. 2020   20h30

Réalisation
M. Murer Fredi
Pays
Suisse
Année
1979
Langue
ST français
VO allemand
Format
DCP
Durée
101'
Cycle

Focus Le Grand soir - Grauzone

DI 13, MA 15, JE 17, 20h30
GRAUZONE, Fredi M. Murer, Suisse, 1979, 101’

Dans les années 70, de Genève à Zurich, d’un lac à l’autre, les cinéastes suisses – parmi d’autres – Francis Reusser et Fredi Murer ne ménagent pas leurs mots pour raconter leur pays: « Lausanne est une gigantesque Gestapo, la police est dans la tête des gens » (F.R.). « L’espal vital se rétrécit: on a le choix entre le pire et le moins pire » (F. M.). C’est ainsi en ces termes que se déploie la toile de fond sociologique du Grand soir (1979) et de Grauzone (1976). Deux villes terrifiantes de solitude, dans lesquelles on se soumet à l’ordre, s’espionne entre voisin.e.s, restent mutiques quitte à devenir sclérosé.e.s. En réponse à ce décor – qu’on dirait typiquement suisse – Reusser et Murer cherchent des voies pour un dérèglement. Dans Grauzone, l’épidémie de mélancolie qui s’abat sur Zürich rend autant saillants le contrôle social et la solitude des êtres qu’elle est le déclencheur d’une désobéissance silencieuse mais sonore. Alfred, chargé des écoutes pour un complexe industriel quitte sa tour de contrôle, erre dans la ville avec son magnétophone et recueille le discours d’un excentrique qu’il finira par diffuser dans l’usine.
Montage à l’intérieur des bandes. Distorsion du réel. Dans le Grand soir, Léon balade son enregistreur aux quatre coins de la ville, au dedans comme au dehors, et diffuse à qui voudrait bien l’entendre les bégaiements de Ghrérasim Luca. Extrait:

« ma terrible passion passionnée
je t’ai je terri terrible passio je
je je t’aime ».

Par ce simple geste, Léon déséquilibre son quotidien, celui de quelqu’un qui accumule les petits boulots et qu’on assimilerait aisément à un agent du capital. Preuve en est de sa puissance en actes, sa passion amoureuse et son humour viennent ébranler un groupe de militant.e.s léninistes qui butte contre lui-même. Plutôt qu’une critique à l’égard du collectif, le film fait d’une attitude anar – sans cesse vouée au présent et guidée par les sentiments et les mouvements les plus prosaïques – une voie de fuite nécessaire à toute révolution. À cet égard, la phrase de Brecht que cite Reusser au sujet du projet politique du Grand soir est éclairante:

«Avant d’apprendre à lutter, il faut apprendre à s’asseoir».





Focus Le Grand Soir - Grauzone

Dans les années 70, de Genève à Zurich, d’un lac à l’autre, les cinéastes suisses – parmi d’autres – Francis Reusser et Fredi Murer ne ménagent pas leurs mots pour raconter leur pays: « Lausanne est une gigantesque Gestapo, la police est dans la tête des gens » (F.R.). « L’espal vital se rétrécit: on a le choix entre le pire et le moins pire » (F. M.). C’est ainsi en ces termes que se déploie la toile de fond sociologique du Grand soir (1979) et de Grauzone (1976). Deux villes terrifiantes de solitude, dans lesquelles on se soumet à l’ordre, s’espionne entre voisin.e.s, restent mutiques quitte à devenir sclérosé.e.s. En réponse à ce décor – qu’on dirait typiquement suisse – Reusser et Murer cherchent des voies pour un dérèglement. Dans Grauzone, l’épidémie de mélancolie qui s’abat sur Zürich rend autant saillants le contrôle social et la solitude des êtres qu’elle est le déclencheur d’une désobéissance silencieuse mais sonore. Alfred, chargé des écoutes pour un complexe industriel quitte sa tour de contrôle, erre dans la ville avec son magnétophone et recueille le discours d’un excentrique qu’il finira par diffuser dans l’usine.
Montage à l’intérieur des bandes. Distorsion du réel. Dans le Grand soir, Léon balade son enregistreur aux quatre coins de la ville, au dedans comme au dehors, et diffuse à qui voudrait bien l’entendre les bégaiements de Ghrérasim Luca. Extrait:
« ma terrible passion passionnée
je t’ai je terri terrible passio je
je je t’aime ».
Par ce simple geste, Léon déséquilibre son quotidien, celui de quelqu’un qui accumule les petits boulots et qu’on assimilerait aisément à un agent du capital. Preuve en est de sa puissance en actes, sa passion amoureuse et son humour viennent ébranler un groupe de militant.e.s léninistes qui butte contre lui-même. Plutôt qu’une critique à l’égard du collectif, le film fait d’une attitude anar – sans cesse vouée au présent et guidée par les sentiments et les mouvements les plus prosaïques – une voie de fuite nécessaire à toute révolution.
À cet égard, la phrase de Brecht que cite Reusser au sujet du projet politique du Grand soir est éclairante: «Avant d’apprendre à lutter, il faut apprendre à s’asseoir».