DREYER POUR MÉMOIRE – EXERCICE DOCUMENTAIRE + NAGER ; COMME SI C’ÉTAIT HIER + ISABELLE OGILVIE IN MEMORIAM


dim. 5 mars 2023   17h00
Cycle

RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S) - Olivier Derousseau, Isabelle Ogilvie et Anne-Marie Faux

dim. 5 mars 2023, en présence d'Olivier Derousseau - suivi d'un repas-discussion


CHAPITRE 1: Olivier Derousseau, Isabelle Ogilvie et Anne-Marie Faux

DREYER POUR MÉMOIRE – EXERCICE DOCUMENTAIRE + NAGER ; COMME SI C’ÉTAIT HIER + ISABELLE OGILVIE IN MEMORIAM

On ouvre ce chapitre avec la venue d’Olivier Derousseau. Cela fait vingt ans que ce bonhomme compose quelque chose avec le territoire français. Si l’on dit bonhomme, c’est qu’il est difficile de lui assigner une étiquette ou un rôle. Tantôt cinéaste, tantôt travailleur social, tantôt metteur en scène, tantôt militant, tantôt poète, il met – avec d’autres – toutes ses valises à l’épreuve. Ces autres, ce sont souvent des personnes en situation de handicap, des chômeur.eus.es, précaires ou pour reprendre les termes d’Olivier Brisson, « des personnes traversées par des effondrements ou des ébranlements plus ou moins sévères ». Ça se passe par exemple à Roubaix, avec Anne-Marie Faux, auprès de la compagnie l’Oiseau mouche, qui compte une vingtaine de comédien.ne.s professionnel.le.s, personnes en situation de handicap mental (DREYER POUR MÉMOIRE). Cela se passe dans et autour d’une maison en ruine, à Lille (ACCOSTER). Cela se passe aussi avec des patient.e.s au centre hospitalier François Tosquelles, à Saint Alban (DE NOS PROPRES MAINS). Ou alors cela se passe simplement avec Isabelle de Paris, Grenoble, Lussas, Cerbère, jusqu’à Porbou (NAGER COMME SI C’ÉTAIT HIER). Et ailleurs encore. Au départ de tout cela, il y a une immense colère adressée à l’endroit de cette France: ses surveillants, politiciens, bureaucrates, supermarchés, protocoles, mesures, réformes qui continuent encore d’aliéner le pays. Alors, toujours cette même question: comment résiste-t-on? Après avoir gueulé, essayons de se réunir avec celles et ceux qu’on ne veut pas réunir et qu’on préfère exclure. Lorsqu’on s’est entretenu avec Olivier pour préparer sa venue, il a décrit ainsi sa démarche: « C’est quoi les conditions matérielles d’élaboration d’une rencontre? Que ça ne soit pas seulement la case du programme de réinsertion mais que ça puisse effectivement transformer quelque chose en mettant un outil (le cinéma par exemple) au milieu. Et c’est précisément ça dont on est empêché très souvent et c’est ça qu’il faut construire ». En effet, dans chacun de ses films, des exercices se font, se vivent, s’éprouvent sous nos yeux, pour fabriquer un “nous”. Mais il n’y a, ici, nulle tricherie, car on voit d’abord ce qui est empêché, la communion n’est pas donnée d’emblée et sera possible qu’à certaines conditions que les films se donnent les moyens de créer. Et à nous, spectateur.ice.s et témoins, nous est donc confiée la responsabilité morale de reconnaître que la rencontre fut possible, sera dès lors encore possible et qu’il y a nécessité qu’elle reste toujours possible. C’est habité, affecté, touché par cette transmission que l’on souhaite passer ces films plus loin.

Tom et Nathan

DREYER POUR MÉMOIRE – EXERCICE DOCUMENTAIRE, Anne-Marie Faux et Olivier Derousseau, France, 2004, 59’

Il existe un lieu à Roubaix, la Cie de l’Oiseau Mouche, qui accueille et forme des travailleurs/acteurs handicapés, c’est-à-dire déclarés et identifiés comme tels. Des amis. Qui travaillent. Trente-cinq heures par semaine. Cette compagnie domiciliée au lieu dit «leGarage» produit avec ces acteurs des spectacles. Et en reçoit aussi. Ces acteurs sont les protagonistes du film. Cette compagnie est aussi un C.A.T. (Centre d’Adaptation par le Travail). Les C.A.T. sont plus généralement des lieux d’exploitation et de sous-traitance dont les résidents vivent de maigres subsides et de travail ; le travail étant envisagé sous l’angle de l’accueil, de la socialisation et du rendement. Le film tente de faire face à cet ensemble de problèmes.

NAGER ; COMME SI C’ÉTAIT HIER, Isabelle Ogilvie et Olivier Derousseau, France, 60′, 2011

Ce film, coréalisé, est l’évocation d’un voyage qui commence à Roubaix, passe par Paris, Grenoble, Lussas, Cerbère, jusqu’à Porbou. Le mémorial Walter Benjamin est à Porbou. En 2003, Isabelle Ogilvie est actrice dans un film d’Olivier Derousseau, Dreyer pour mémoire. C’est dans ce contexte qu’elle transmet une irrépressible envie : «faire du cinéma». Nous sommes en 2011, un film s’achève. Il figure l’histoire d’une rencontre et d’un malentendu. Rencontre d’un homme et d’une femme qui tente de vérifier ce qu’égalité veut dire et malentendu à propos du destin des images.

ISABELLE OGILVIE IN MEMORIAM, Olivier Derousseau, France, 2006, 15’

Il y a Bruno, Baptiste, Jean Baptiste, Nathalie, Élisa, Sébastien, Olivier, Chantal, François, les enfants dans la cour, le gîte, le paysage, le son les caméras. Et Isabelle Ogilvie inoubliable au milieu du monde parmi ses camarades de cinéma.





À QUELLE HEURE PASSE LE TRAIN? RENCONTRES CINÉMA(S) ET PSYCHIATRIE(S)

« Il s’agissait avant tout d’être solidaire de gamins afin qu’ils échappent au sort que la société leur réservait ». C’est ainsi que Jacques Lin caractérise l’expérience de la prise en charge d’enfants autistes, jugés irrécupérables, menée à partir de 1968 dans une ferme située dans les Cévennes avec Fernand Deligny et d’autres « présences proches ». Cette solidarité dont parle Jacques Lin, s’est tissée à partir de différentes activités conduites collectivement: cuisine, élevage, maraîchage, promenades, dessins. Et au milieu de ces gestes coutumiers, le cinéma s’est parfois trouvé une place. C’est à travers les films qui découlent de cette tentative – Le moindre geste, Projet N – que l’on s’est rendu compte que psychiatrie et cinéma avaient probablement à faire ensemble. Cela nous a donné le désir de chercher. Non pas des films sur la folie, ou sur les fous (Hollywood ou Netflic encore, excellent dans le domaine), mais où le cinéma (voir et entendre) est le lieu d’un travail en commun et un point de rencontres possibles. Dès lors, on tâchera d’ouvrir quelques fenêtres chaque mois au sujet de ces questions. Avec aussi l’envie que ces séances s’enrichissent d’interventions, de discussions et de débats.

Tom & Nathan