Détruisez-vous + Vite


sam. 5 juin 2021   20h30
mer. 9 juin 2021   20h30

Réalisation
Serge Bard
Pays
France
Année
1968
Langue
VO français
Durée
103'
Collaboration
Cycle

«Vite, Zanzibar», Mosset et autres #2

«Vite, Zanzibar», Mosset et autres #2

En collaboration avec le Mamco, dans le cadre de l’exposition Olivier Mosset

DÉTRUISEZ-VOUS, Serge Bard, France, 1968, 70’

Il faut couper tous les ponts, renverser le saisissement identificatif en un saisissement agressif, qui doit faire de chaque film un point d’interrogation dont la pensée du spectateur sera la seule réponse, ou l’absence de réponse. EN SOMME, CELA SIGNIFIE SIMPLEMENT LA GUERRE. Serge Bard
Premier film du groupe Zanzibar, tourné par Serge Bard en avril 1968, participant au cinéma et aux évènements de la fin des années soixante, Détruisez-vous, dont le titre reprend un graffiti de l’époque.

VITE, Daniel Pommereulle, France, 1968, 33’

Financé par Sylvina Boissonnas, VITE fut le film le plus coûteux des productions Zanzibar. Trois ans avant, dans la Collectionneuse d’Eric Rohmer, Pommereulle et son ami Adrien philosophait autour de la question du Vide. C’est comme si l’artiste avait ici transformé ce VIDE en VITE, marquant une profonde déception par rapport aux événements de Mai 1968, lançant une attaque au vitriol contre le monde occidental et déclarant une guerre à la lenteur.

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Infos pratiques:

Ouverture des portes 20h00. Projection 20h30.

Jauge de la salle réduite à 25 personnes. Pas de réservation possible.

Port du masque obligatoire dans les parties communes du cinéma (caisse, hall, toilettes) et pendant la séance.

Nous vous prions également de nous laisser vos coordonnées (nom, prénom, numéro de téléphone, adresse e-mail).





Vite Zanzibar, Mosset et autres

Un mot d’abord – la vitesse – pour tenter de rassembler les sept films de ce programme. Car chacun d’eux est l’expression d’un geste fulgurant, pulsion de vie pour disparaître ensuite. 1967-1973, l’expérience Zanzibar: des jeunes dandy enragé.e..s, réuni.e.s par un même désir de révolution aussi bien intérieure qu’extérieure, font une série de films où il est question de se “se perdre dans l’extase.” Cela dure quelques années seulement et ça ne pouvait pas durer plus. Le temps d’une jeunesse qui dérive dans les rues et vit l’imminence de mai 68 autant que son testament. “Seule issue: se tendre vers le recoin de la perte. Seule vitesse: la lumière” dit une voix off dans Détruisez-vous. Le temps aussi de Vite: film comme une pure déclaration de guerre à la lenteur. Ce combat n’est qu’une facette d’une lutte plus globale. La cible? Tout ce que le cinéma de consommation fait habituellement: solidifier les identités, produire des mythes, faire primer la narration sur tout le reste. Ainsi, Deux fois de Jackie Raynal s’ouvre sur cette annonce: “Ce soir ce sera la fin de la signification”. S’ensuit un film magnifique, “ciselage moderne et féministe du cinéma dominant et nouvelle version d’Alice aux pays des merveilles” pour reprendre les termes d’Adrian Martin.
 
La fulgurance de Zanzibar trouve des résonances ailleurs. Aussi à la veille de mai 68, Etienne O’Leary, proche de Zanzibar, compose des morceaux psychédéliques qu’il associe à l’agitation des rues de Paris, Lausanne, Londres. Des films-trips qui ouvrent des portes à Pierre Clementi, auteur de deux brûlots poétiques trempés d’acide. (Visa de Censure N°X et La révolution n’est qu’un début). Le sublime Clementi est aussi le corps fétiche des films Zanzibar et l’acteur d’un film rare, Wheels of Ashes, réalisé par un New Yorkais échoué dans les rues de Paris en 67. Là encore, l’élan vital voisine avec l’attrait du néant. S’y croisent deux jeunes mendiant.e.s christiques, en quête d’intensité et de paradis artificiels. “On me dit que je m’éloigne de la réalité, la seule que je connaisse c’est le chaos.”

 Parcourir ces sept films, c’est se rendre compte qu’entre les deux pôles de la contre-culture (New York, Paris), la limite est poreuse, que ces deux mondes géographiquement lointains convergent vers une idée de pop-culture: beauté, acide, utopie, mysticisme et la musique en toile de fond. En 1973, la voix de Nico, du Velvet Underground fait vibrer le désert du Nouveau Mexique dans La cicatrice intérieure, dernier film-zanzibar réalisé par Philippe Garrel. Ici encore se devine la possibilité d’une communauté utopique en même temps que la détresse d’une génération.

 Saut dans le temps enfin, entre 1979 et 1980, dans les clubs new yorkais. Il est à nouveau question de la jeunesse, au lendemain de Warhol, de la Factory et du Velvet Underground. Des musicien.e.s, des artistes et des cinéastes passent tant derrière la caméra que devant. C’est le moment No Wave et ça donne entre autres ces deux films, Underground USA et Downtown 81. On y trouve Basquiat, ses errances, son amour du graffiti sur les murs de Manhattan. On y contemple aussi toute une faune, aussi généreuse qu’inquiète, aussi flamboyante que prête, en direct, à se consumer.
 
Tom et Nathan

 
À l’occasion de la rétrospective qu’il consacre à Olivier Mosset, le MAMCO s’associe au Spoutnik pour proposer, sur deux week-ends, un programme de 6 séances consacrées au peintre. En effet, en marge de son activité picturale, Mosset a toujours entretenu un certain rapport au cinéma expérimental. Proche de Pierre Clémenti, Daniel Pommereulle puis Philippe Garrel, Mosset a ainsi participé activement à l’aventure des films Zanzibar à la fin des années 1960. Détruisez-vous, Vite, Deux fois : avec les moyens généreux mis à disposition par la mécène Sylvina Boissonas, toute une génération de très jeunes cinéastes a pu réaliser des films qui « forment un lien passionnant entre la Nouvelle Vague et l’avant-garde, entre le film poème et le film narratif » ainsi que les envisageait Jonas Mekas. Au tout début des années 1980, Mosset s’est retrouvé cette fois-ci associé au cinéma no wave de New York, en apparaissant dans les films mythiques que sont Underground USA et Downtown 81 aux cotés d’Eric Mitchell, Patti Astor ou Jean-Michel Basquiat. Au delà de ce qu’elle témoigne sur l’œuvre de Mosset, la projection de ces films rares permet ainsi de s’immiscer dans les scènes expérimentales qui animent le Paris de mai 68 et le New York de la fin des années 1970, dévasté par la crise immobilière.
 
Paul Bernard