Carte blanche au ciné-club « Au Beurre » – Jetons les livres et sortons dans les rues de Shūji Terayama


ven. 28 févr. 2020   20h30

Pays
Japon
Année
1971
Langue
ST français
VO japonais
Format
Fichier Numérique
Durée
2h17
Cycle

Cycle - la révolte des médiocres

En 1969, une pièce de théâtre ébranle l’underground tokyoïte : des représentations sauvages à Shinjuku font salle pleine. La pièce en question est elle-même adaptée par le metteur en scène à partir d’un de ses propres essais sorti en 1967. Il y fustigeait le boom du matérialisme dans un Japon en plein essor économique. Mais c’est sur les planches que sa critique marquera la jeune génération désabusée et fatiguée du poids de la guerre dont leurs parents portent le fardeau. Donnez-nous un peu d’air dans cette bulle boursouflée, tuons les guignols qui se firent bataille jadis.
En 1971, le metteur en scène écrivain en fera son premier long métrage. Le thème est le même mais la trame diffère. Un jeune homme essaie par des moyens aussi fantasques que vains de s’échapper de sa famille dysfonctionnelle — mère qui vole à la tire, père pervers au chômage, et soeur qui nourrit un amour malsain pour son lapin — et de perdre sa virginité.
Mais le jeune homme sait qu’il est personnage de film et que tout cela est vain. Nous sommes assis mollement sur nos sièges. Il faut sortir de la salle, dans les rues, et jeter nos précieux livres au feu.





La révolte des médiocres

Pour que les barrières tombent, pour que nous puissions être aussi parfaitement bons-à-rien que possible, nous devons constamment remélanger les cartes et faire de tout, être tous des bons-à-tout.
Robert Filliou

 
En 1967, Robert Filliou soutient que l’art moderne n’a rien produit de passionnant hors ce qu’il nomme “la révolte des médiocres”, expression d’un refus, celui d’être “culturellement colonisé par une race auto-désignée de spécialistes de la peinture, de la musique, de la sculpture, de la musique, etc…” Lui-même artiste, Filliou a consacré son existence dans la direction de cette médiocrité. Idiotie, inadaptation, imperfection, ennui, échec, malentendus, contradictions, accidents: il s’agit pour lui d’étendre l’expérience esthétique vers ces composantes de la vie. Cette recherche prend corps dans des oeuvres matérielles, des performances, des poèmes mais aussi sous la forme de films dont l’inspiration vient tout droit du registre du burlesque. Ainsi, ces one-minute scénarios, films courts et muets, gags pratiquements jamais tournés ou ce désir de tourner un film à partir d’histoires drôles du monde entier.
 
Cet esprit et ces films pour la plupart inaccessibles malheureusement, constituent le point de départ ce programme. Il s’agit de faire de Filliou un compagnon de route d’un réseau de films et performances à l’énergie burlesque que nous souhaitons tisser au Spoutnik à l’échelle d’un mois. Les manifestations comiques au cinéma sont nombreuses et diverses mais conduisent souvent dans l’imaginaire collectif aux mêmes figures: Chaplin, Keaton, Laurel et Hardi et d’autres forment en effet les jalons d’un certain cinéma populaire que nous ne souhaitons pas effacer mais plutôt d’en exposer les rapports avec d’autres formes, plus souterraines et expérimentales. Slapstick, sens de la catastrophe et du désordre, improvisations, jeux, ce spectre de valeurs et d’esthétique se retrouvent effectivement dans d’autres traditions, chez Fluxus, Pasolini, Vera Chytilova, dans le cinéma hongkongais et chez d’autres.
 
Séances sans film, séances surprises, sorties du mois perturbées par des court métrages. Ce mois des médiocres et de la tarte à la crème, s’annonce aussi comme un espace ouvert à de nouveaux types d’expériences dans une salle de cinéma.

Enfin, par le biais de ce montage de films, nous souhaitons partager l’idée que le gag n’est pas un but en soi, qu’il est avant tout initiatique. Un humour et une poésie sans capital, où la bienveillance et l’inadaptation renversent à chaque situation les rapports de force, fait péter la bourgeoisie et la mondanité.
 
Tom & Nathan