Allegro – Soliloque 2/la barbarie – Précis


sam. 9 juin 1990   19h

Réalisation
Véronique Goël
Pays
Suisse
Année
1979
1982
1985
Langue
VO français
Format
16mm
Durée
122'
Avec
Yves Tenret
Véronique Alain
Claudine Després
Aline Horisberger
Arielle Meyer
Nicolas Wadimoff
Distribution
Cycle

5 films de Véronique Goël

ALLEGRO
Véronique Goël
Suisse, 1979, 22′
16mm

Précise, parce que consciente de ses limites, la caméra d’Allegro enregistre sans retenir, perçoit sans influencer. Entre les mots – le texte (littéraire) et les choses qui apparaissent et disparaissent (paysage, nature, architecture) – des mots qui jamais ne se figent en images cinématographiques ; entre ces mots se développent des espaces, ceux de l’invisible et de l’imaginaire. Allegro, c’est de l’anti-cinéma, au meilleur sens du terme. L’opposition rigoureuse du courant du texte et de celui de l’image, le fait de s’en tenir à ces deux niveaux sans aucun compromis font que le film va au-delà de la simple cinématographie ; il ouvre une dimension nouvelle : celle de ce qui ne peut se traduire en images, de ce qui ne peut pas être dit. Aucune histoire. Les images portent le texte, elles ne l’illustrent pas. Aucune identification, aucune complaisance.
Allegro, ce n’est pas de la fiction, mais un film qui crée la fiction. Parce qu’il ne condense pas, ne conserve pas, ne retient pas ce qui est vague, peu sûr, momentané et fugace ; parce que Véronique Goël en dépit de moyens techniques les plus simples et les moins spectaculaires réussit même à exprimer le fugace en lui conservant sa fugacité, Allegro est intéressant dans l’optique de la discussion d’un nouveau langage cinématographique.
Emil Schwarz

Véronique Goël Spoutnik 1990

SOLILOQUE 2/LA BARBARIE
Véronique Goël
1982, 20′
16mm

Goël poursuit dans ce film une recherche très personnelle sur le fragment et le rythme, le plan fixe et le travelling. Coupures de journaux décrivant l’horreur absolue de la barbarie pratiquée dans certains coins du monde, lettres personnelles lues en voix off et images de villes (proposant dans un rapport fascinant et diabolique un modèle de la ville contemporaine), confèrent à ce film une gravité et un poids émotionnel évident. Une mémoire à vif contre un monde qui institutionnalise l’oubli

Soliloque 2/ la barbarie Véronique Goël Spoutnik

PRECIS
Véronique Goël
1985, 80′
16mm

Un précis, on le sait, est un « petit manuel », un traité, substantif dérivé de l’adjectif homonyme qui provient du latin praecidere, « couper ras, retrancher ». Véronique Goël aborde l’image de deux villes en ouverture et fermeture de son film : Genève et Londres, via deux trajets de piétons décidés (elle-même et son scénariste, Yves Tenret). La première ville est linéarisée frontalement, c’est-à-dire que les trajets rectilignes des marcheurs (les rues nous l’imposent, leur tracé) sont mis bout à bout, en une série de plans en travelling arrière, comme si la ville, ses rues, défaites de leur enchevêtrement de perpendiculaires, d’angles et de diagonales n’était qu’un couloir. A l’inverse, Londres est linéarisée de dos. La suite des séquences opère de la même manière en choisissant chaque fois un mode possible d’approche où l’organisation géométrique déjà là fait l’objet d’un remaniement structural dont le cinéma est l’instrument.
Point de vue, angle, mouvement, durée : on pourrait parler d' »exercice de style » si, déplaçant les enjeux proposés par Queneau, Goël n’introduisait pas par ce travail de déclinaison l’idée que les Formalistes russes avaient avancées en 1920 (Chklovski, Tynianov) de l’opposition sujet/fable. Car le film possède une fable, l’histoire d’un type qui etc., ses rapports avec son amie, son travail, bref! Et le traitement cinématographique produit, transforme cette fable, il ne se borne pas à en varier les connotations ou le « style ». A mesure qu’il avance, le volume du film se développe sur la base même de ces « exercices », il prend chair. Une séquence centrale – filmée par Dwoskin alors que tout le reste est dû à un opérateur fort différent, Mat van Hensbergen, vient d’ailleurs, comme au coeur d’une spirale, insuffler une dynamique quelque peu vertigineuse à l’ensemble.

François Albera

Précis Goël Spoutnik





Cinq films de Véronique Goël

« Les films de Véronique Goël sont comme des tranches de mémoire taillées dans un langage cinématographique solide. Entre les lignes de ce langage, sa lucidité se déploie en agrandissements successifs qui se remplissent de la simplicité complexe de son propre vécu. Confrontant hommes et actions, hommes et espace et plus que tout, hommes et hommes (ces hommes dont l’existence même semble remettre en question celle des autres), Véronique aborde dans ses films beaucoup de questions qui nous troublent. Les films cernent ces moments auxquels nous sommes sensibles (ceux que l’on a tendance à oublier ou que l’on refuse presque de voir). Ils s’emparent de ces fragments de vie avec une intense préoccupation, permettant au spectateur de ressentir la force des émotions qu’ils recouvrent, et cherchent à pénétrer ces éléments de signification que trop souvent nous voulons ignorer. C’est dans ces moments-là que les films atteignent leur niveau d’expression le plus élevé et le plus émouvant, le niveau où le non-dit se révèle, devient l’echo silencieux entre conscience et inconscience – lieu de nombreuses interrogations dont les réponses sont piégées dans les contre-forts de la mémoire. Les voix surgissent en murmures éclatants, à la recherche d’une pertinence que les mots ne peuvent plus décrire mais que les images rendent immensément cohérente. Des images maîtrisées avec une telle précision qu’elles seules semblent douées de parole. Comme si la simplicité des structures filmiques devenait l’unique rempart contre les larmes insaisissables qu’elles contiennent, résonnances d’un cri retentissant, qui, comme de la poésie pure, reste en nous pour longtemps. »
Stephen Dwoskin

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