TALITHA-CINIMA 3 avec les films de Mostafa Derkaoui, Abdelkader Lagtaa, Hamid Bensaïd, Idriss Karim - une programmation de Léa Morin

A la fin des années 60, des questions d’identités traversent quelques cinéastes marocains:
Qui sommes-nous au fond ? Comment nous représenter ? En héros, comme dans les films des blancs ? Quoi raconter quand on nous a confisqué notre histoire ? Réponses: Fuck Universal Studios,
(re)partir de la rue, des bars et cafés populaires de Casablanca et surtout du tas de questions et de doutes qui sommeillent. Ainsi, DE QUELQUES ÉVÉNEMENTS SANS SIGNIFICATION et TITRE PROVISOIRE réalisés par Mostafa Derkaoui, deux films de psychanalyse collective à ciel ouvert magnifiquement bordéliques. La méthode Derkaoui c’est de mobiliser du monde (militants marxistes, artistes, ouvrier.e.s et autres personnages lambdas), provoquer de la rencontre et voir ce qui se dit. Faire l’état des lieux de sa communauté. Ça nous touche, ça nous inspire, on se demande si ça ne devrait pas arriver plus souvent au cinéma et dans nos vies, tous les jours. Ces films, on les a découverts grâce à la chercheuse Léa Morin qui fait beaucoup pour que tout un cinéma de décolonisation recircule. Soucieuse de pédagogie, Léa veille à ce que ces films cohabitent avec les documents d’époques, articles, journaux, manifestes, interviews (https://cinima3.com; https://talitha3.com ). C’est qu’en parcourant toutes ces archives, on se rend compte que cette quête d’un cinéma national s’inscrit dans un contexte internationaliste. En témoigne le passage de nombreux cinéastes marocains par l’école de cinéma de Łódź en Pologne. On aura l’occasion de projeter ces films d’études, déjà lancés à la recherche du peuple, qu’il vienne de Pologne ou du Maroc.

Tom et Nathan

Léa Morin est curatrice, chercheuse indépendante et programmatrice.
Engagée pour la préservation, la restauration et la circulation d’archives d’un cinéma en lutte contre les récits et modèles autoritaires (coloniaux, étatiques, capitalistes, patriarcaux), elle milite pour un mouvement des « archives cinématographiques non-alignées* » à travers des projets de recherche, expositions, programmations de films, archivage et restauration qui associent chercheur.se.s, artistes et praticien.ne.s. Elle s’intéresse particulièrement aux circulations d’idées, de formes, d’esthétiques et de luttes politiques et artistiques.

Elle agit au sein de plusieurs associations et collectifs, notamment les Archives Bouanani : une histoire du cinéma au Maroc (Rabat) , Talitha (www.talitha3.com), une association engagée dans la re-circulation d’œuvres sonores et filmiques à travers l’édition et la restauration (Rennes), le projet éditorial Intilak (avec Maya Ouabadi et Touda Bouanani), ainsi qu’au sein du département de Recherche de Elías Querejeta Zine Eskola (San Sebastian).

Elle a notamment travaillé à la restauration et recirculation du premier film de Mostafa Derkaoui De quelques événements sans signification et a conçu le site internet d’archives www.cinima3.com dédié au récit du passage des cinéastes marocains en Pologne dans les années 1960 et 1970.
Elle a été directrice de la Cinémathèque de Tanger et a co-fondé l’Observatoire (Art et Recherche) à Casablanca.




ŁÓDŹ-CASABLANCA courts-métrages de Abdelkader Lagtaa, Hamid Bensaïd, Idriss Karim et Mostafa Derkaoui

Talitha - Cinima 3 une programmation de Léa Morin


Depuis leur “exil” polonais, les cinéastes marocains étudiants à l’École de cinéma de Łódz bénéficient en plus d’une solide formation, d’une certaine liberté politique (loin de l’état autoritaire et répressif du règne de Hassan 2), d’un recul vis à vis de leur réalité, mais aussi d’une expérience du monde « global », et de ses agitations politiques, au cœur de l’Europe de l’Est entourés d’étudiants venus du monde entier et notamment d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine.

DE QUELQUES ÉVÉNEMENTS SANS SIGNIFICATION, Mostafa Derkaoui

Talitha - Cinima 3 une programmation de Léa Morin


Sommet et liquidation du cinéma engagé des années 70 : art poétique et manifeste théorique pour un nouveau cinéma marocain, mais aussi amer constat de son impossibilité dans une société qui ne change pas. Derkaoui dirige un collectif d’artistes amis et des militants marxistes, et organise un méta-film qui brouille toute distinction documentaire/fiction et vire vers l’esthétique du happening. Dans ce labyrinthe des mots et miroirs, le réalisateur utilise la réflexivité pas comme un énième dispositif moderniste mais comme impitoyable autocritique d’une classe intellectuelle plâtrée dans ses contradictions politiques. Censuré et interdit de diffusion et d’exportation, œuvre longtemps clandestine et mythique, radical aussi par sa débordante musique free jazz, ce film est un trésor enfin retrouvé.

TITRE PROVISOIRE, Mostafa Derkaoui

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« Titre Provisoire est le troisième film signé par Derkaoui, après « De quelques évènements sans signification » (1974) et « Les beaux jours de Shéhérazade » (1982). Chacun des trois films met en scène une équipe de cinéma. En 1974, Derkaoui interprétait un assistant-réalisateur. Cette fois, il joue son propre rôle de cinéaste. Les scènes sur le plateau de tournage s’alternent avec les scènes de vie, parfois de rêve, dessinant le portrait d’un être qui, harcelé par l’idée de la mort, doit apprendre à souffrir. Le tout crée un brassage d’atmosphères et de réflexions sur le désarroi dans lequel est plongé la génération de jeunes Marocains vivant dans les années 80. À l’inverse du premier film de Derkaoui, « Titre Provisoire » n’a jamais disparu : il circule, dans des copies pas toujours de bonne qualité, et dans sa langue originale. Le voici enfin présenté dans sa version numérisée par le Centre cinématographique marocain, et avec des sous-titres français fraîchement réalisés grâce au travail de Léa Morin.