Le bouton de nacre
Patricio Guzmán - Habiter la Terre, habiter les temps
rencontre-discussion
Ces deux films, Nostalgie de la lumière et Le bouton de nacre, forment bien un diptyque cohérent. Au premier, illuminé par la lumière si pure et la sécheresse du désert du nord, répond le ciel chargé et la froide humidité de l’archipel du sud. Ici, ce sont l’eau et le froid qui ont formé les hommes et les civilisations. Car ces îles innombrables étaient habitées, bien avant que les colons n’arrivent et massacrent – ils étaient encore 8000 au 18e siècle, ils ne sont plus que 20 descendants directs aujourd’hui. C’est la première idée-force: l’existence d’une civilisation capable de survivre dans des conditions extrêmes, de traverser le Cap en petit canoë, de compositions musicales sophistiquées. La deuxième idée-force: faire ressentir par le spectateur, physiquement, la géographie bizarre de ce pays qu’est le Chili – tout en longueur, ouvert sur la mer qui est sa plus grande frontière, et pourtant profondément terrien. Un pays si long, qu’on ne peut le représenter en un seul morceau. Enfin, il y a la mémoire de l’eau. Celle qui vient du cosmos – qui se compte en millions d’années – et celle, plus macabre et contemporaine, qui vient de l’océan – car ici, comme au nord, les militaires ont essayé d’effacer les traces de leurs crimes.