Quelques propos éclairés de Jean-Luc Godard - recueillis par Marie Rambert (Télérama n°1892, 16 avril 1986) - à propos de "Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma" à l'affiche du Spoutnik du 20 au 22 avril.
“Elles sont un peu privées d’imagination, les télés privées. D’après ce que j’en vois, elles sont toutes pareilles. C’est la toute-puissance, comme la Royauté, comme l’Église au Moyen Âge. Le cinéma projette quelque chose, c’est pour ça qu’il est encore puissant dans le coeur des gens et que les films ont beaucoup de succès à la télévision. La télévision diffuse, elle transmet. (...)
On ne multiplie pas les chaînes et les programmes pour voir plus de choses, mais pour pouvoir changer de chaîne. Les téléspectateurs ne supportent plus de voir une émission en entier, les directeurs de chaînes en sont conscients. C’est comme des enfants qui en ont marre de leurs jouets. (...) Le téléspectateur est otage mais il le veut bien. Du reste, on dit les chaînes. Dans mon film, on voit beaucoup de barreaux, on dit qu’on est dans la grille des programmes. (...)
J’ai toujours pris une comparaison, exagérée mais juste : une image, c’est l’occupation. Occupation de l’esprit, de l’espace et du temps culturel, mais en même temps très physique. On ne peut plus voir une image tellement elle est petite et en plus, avec les ordinateurs on écrit dessus, ce qui est illisible. Tels que sont fabriqués les postes de télévision, on ne peut pas les regarder sans se fatiguer les yeux, mais je pense que c’est fait pour ça. Il y a un inconscient collectif qui veut que le regard se fatigue.”