Système du décor

Pendant un weekend, Forde et Spoutnik proposent une programmation en trois volets qui brouille la lisibilité habituelle entre leurs espaces, entre art et cinéma. Pour l’art, le cinéma – et en particulier le cinéma hollywoodien – n’est pas juste un répertoire d’images. Il est traversé par un désir irrépressible pour les structures, les mythologies, l’économie de cette industrie. L’art veut baiser avec le cinéma, mais le cinéma s’en fout passablement. Ce désir frustré est à l’origine de comportements d’identification tordus. Dans ce jeu de séduction, l’art ne peut cacher ses manières. Il est conduit à surjouer ou à démonter dans une performance du cinéma. La question du décor pourrait fournir une entrée pertinente pour étudier des versions contemporaines de ces passages. Le décor est au centre d’un programme de films et d’interventions d’Arnaud Dezoteux, Neïl Beloufa et William Leavitt. Il devient un des points d’inflexion entre la création de l’illusion et sa révélation, entre l’embrayage d’une narration et son sabotage, entre le white cube et la black box.




ARNAUD DEZOTEUX

SYSTÈME DU DÉCOR - EN COLLABORATION AVEC FORDE
EN PRÉSENCE DE ARNAUD DÉZOTEUX


Artiste français de 30 ans, Arnaud Dezoteux propose une création spécifique pour le double contexte de Forde et de Spoutnik, qui mêle pratique de l’exposition, du live et de la projection de cinéma. Son travail contribue à mettre en relief le délire d’un cinéma à l’âge du virtuel, du green screen et du maquillage photoshop. Les corps et les images entrent en écho pour former un trou lumineux aspirant. La question du technologique est partout : infiltrée, grinçante, un peu inconfortable, elle prend au piège les acteurs·rices, mais plus subtilement encore les spectateurs·rices curieux·ses, séduit·e·s par une image proche lointaine dont le kitsch les fait osciller entre séduction et dégoût. Une étrangeté se dégage du travail de l’artiste, et les thèmes adressés comme la culture du fan, le coach de drague, le corps bodybuildé sont souvent bâtards, dérivés d’une économie du partage contemporain, eux-mêmes pris dans des niches. Les vidéos et installations d’Arnaud Dezoteux peuvent être comprises comme des pièges, des énigmes triviales et pourtant sans fond qui évoquent de mystérieux modes d’existence contemporains. (Les qualifier d’absurdes ne permet pas de s’en défaire).

OCCIDENTAL

SYSTÈME DU DÉCOR - EN COLLABORATION AVEC FORDE


Alors que les rues de Paris sont congestionnées par la contestation, deux clients s’enregistrent à l’hôtel Occidental. Ils se font passer pour des Italiens, séduisent la réceptionniste, sèment le trouble. Dans un décor de trois étoiles ultra stylisé, Neïl Beloufa tourne un film à la versatilité chronique : d’une scène à l’autre il zappe du théâtre de boulevard, au thriller, à la critique sociale et jusqu’à la comédie romantique.

CYCLADIC FIGURES + BEHAVIOR

SYSTÈME DU DÉCOR - EN COLLABORATION AVEC FORDE


À l’occasion de la première rétrospective européenne de William Leavitt au Musée d’art moderne et contemporain (Mamco), nous proposons de découvrir deux de ses films récents « Behavior » (2016) et « Cycladic Figures » (2017). Artiste emblématique de la scène de Los Angeles, adepte du narratif art, et inspiré de « l’usine hollywoodienne », William Leavitt travaille l’imaginaire construit par la culture dominante audiovisuelle occidentale et l’industrie du divertissement. Les décors conçus par l’artiste évoquent la vie domestique où les personnages jouent froidement des scènes inspirées par des sitcoms américaines se déroulant dans un futur proche où par exemple, des objets se connectent directement avec nos esprits. Ces deux films témoignent de la liberté de William Leavitt, qui façonne un cinéma sans se soucier de l’industrie cinématographique.