Syrie - Angle mort

Depuis maintenant quatre ans, la Syrie traverse une des périodes les plus sombres de son histoire. Alors qu’en 2011 la presse et l’opinion publique qualifiaient de « printemps arabes » les mouvements de contestation populaires qui secouaient les pays de la région, la situation actuelle en Syrie s’avère désormais bien plus pessimiste avec, à ce jour près de 200’000 morts, plusieurs millions de réfugiés et un conflit toujours plus complexe.

Si des régimes autoritaires ont été renversés à cette occasion (Tunisie, Egypte, Libye, Yémen), certains pays n’ont obtenu que des promesses de réformes, et dans les cas les plus graves, d’autres se sont heurtés à la répression armée des régimes en place. La Syrie, actuellement en proie à la guerre civile, est l’épicentre de cette horreur. Le peuple y est broyé aussi bien par les intérêts du président Bachar el-Assad que par les différentes factions extrémistes (EIIL, Al-Nosra entre autres) entâchant par leur cynisme et fanatisme respectifs les revendications initiales des contestataires.

Discriminations, avilissements, tortures, exécutions, massacres, emprisonnements, camps, exils, rythment depuis le quotidien des Syriens sous le regard d’une communauté internationale outrée mais désespérément inactive. Les nouveaux médias permettent à ceux qui vivent cet enfer – victimes comme bourreaux – de capter et diffuser les preuves des actes de violence et de cruauté commis en toute impunité. Or, rien ne change, l’oeil absorbe, l’horreur continue.

Les deux très beaux films syriens que nous vous proposons de découvrir ce mois-ci contribueront peut-être à faire évoluer les esprits et à faire prendre conscience au public de la gravité de ce qui est en cours. Chacun d’eux résulte d’une création à quatre mains – un jeune photographe et un dissident quinquagénaire pour OUR TERRIBLE COUNTRY, un cinéaste exilé et une réalisatrice restée dans la ville assiégée d’Homs pour EAU ARGENTÉE. Tout deux nous font vivre les épreuves vécues par des millions d’individus, loin de l’anecdotique des journaux télévisés et de l’abstraction des statistiques. Finalement, tout deux s’approprient les moyens du cinéma pour essayer de changer le cours de choses.




OUR TERRIBLE COUNTRY

SYRIE - ANGLE MORT


Auteur de trois documentaires, dont deux sur le dissident syrien Riad Turk, le cinéaste Mohammad Ali Atassi s’intéresse ici à l’écrivain Yassin al-Haj Saleh, figure intellectuelle phare du mouvement de contestation populaire dès 2011, ayant passé 16 ans dans les geôles d’Assad père, de 1980 à 1996. Il l’accompagne ainsi sur le chemin qui le mènera de Damas en passant par Douma en ruine, Raqqa passée aux mains de l’Etat islamique jusqu’à son exil en Turquie. Ce dernier apprend entre temps que sa compagne, la dissidente Samira Khalil, restée dans la ville de Douma assiégée, a été enlevée avec d’autres représentants de Human Right Watch.

EAU ARGENTÉE, SYRIE AUTOPORTRAIT

SYRIE - ANGLE MORT


« En Syrie, les Youtubeurs filment et meurent tous les jours. Tandis que d’autres tuent et filment. A Paris, je ne peux que filmer le ciel et monter ces images Youtube, guidé par cet amour indéfectible de la Syrie. De cette tension entre ma distance, mon pays et la révolution est née une rencontre. Une jeune cinéaste Kurde de Homs m’a  » Tchaté  » :  » Si ta caméra était ici à Homs que filmerais-tu ?  » Le film est l’histoire de ce partage. » Oussama Mohammad